Le ministre du Travail a annoncé de nouvelles mesures pour lutter contre la fraude au travail détaché. Accompagné du patron de la FFB, Jacques Chanut, et de Gilles Savary, auteur de la loi éponyme, il a profité d'une visite sur un chantier parisien pour redire la détermination du gouvernement sur ce thème. Détails.

Renforcement des contrôles, avec création des moyens au niveau régional ; aggravation des peines ; obligation d'une carte d'identité professionnelle : voilà les trois nouvelles mesures que François Rebsamen a dévoilé ce lundi 27 octobre 2014, à l'occasion d'une visite sur un chantier mené en plein cœur de Paris par Vinci, qui emploie 300 ouvriers dont une trentaine de travailleurs détachés.

 

Accompagné de Gilles Savary - auteur de la loi qui vise à lutter contre la concurrence sociale déloyale et qui a permis la transposition dès juillet dernier de la directive européenne sur le détachement - et du président de la Fédération du bâtiment, le ministre du Travail a donc redit la volonté de l'Etat de lutter contre les abus du détachement. "Le travail détaché n'est pas un problème, ce sont les détournements du détachement qui sont répréhensibles", a-t-il martelé ce lundi. Et de prévenir : "Toutes les entreprises ou donneurs d'ordre qui emploient des travailleurs détachés doivent désormais s'attendre à être contrôlés".

Des contrôles renforcés au niveau régional

Après avoir rappelé les dispositions de la loi Savary - dont les trois décrets sortiront courant novembre - qui prévoit d'ores et déjà des sanctions administratives pour les entreprises, mais aussi pour les maîtres d'ouvrage ou les donneurs d'ordre, la responsabilité solidaire de ces derniers, ou encore la possibilité d'une "liste noire" qui afficherait le nom des entreprises condamnées, François Rebsamen a donc indiqué qu'il allait mettre en œuvre d'autres mesures complémentaires.

 

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Le ministre du Travail, François Rebsamen (de dos), et Jacques Chanut, président de la FFB. © CL-Batiactu
Les moyens de contrôle de l'inspection du travail pour lutter contre le travail illégal seront renforcés. Pour cela, 175 agents "qui deviendront des spécialistes du démantèlement de la fraude", dixit François Rebsamen, viendront épauler leurs collègues, notamment sur ces chantiers complexes où sévit généralement le travail illégal. Et à cet effet, des unités régionales de lutte contre le travail illégal (URACTI) seront ainsi créées. Elles devraient également bénéficier du soutien des agents des douanes, qui pourraient être mobilisés pour l'occasion, et pourraient intervenir le week-end, le soir et la nuit. "Et y compris de pouvoir rentrer chez des particuliers, ajoute Jacques Chanut. Il ne faut pas se mentir, le travail illégal est aussi entretenu par des travaux chez des particuliers, le week end. Tout le monde se targue de pouvoir faire refaire sa salle de bains par des travailleurs étrangers, et à moitié prix, je crois qu'il faut arrêter l'hypocrisie!".

 

Cela n'entraînerait-il pas des situations de délation ? "Ce n'est pas un problème de délation mais de cohérence entre un travail, un salaire et un prix. Il faut sortir de cette logique où tout le monde se lave les mains…", renchérit-il.

Une carte d'identité pour tous

Le ministre proposera bientôt, dans le cadre du volet "travail" du projet de loi Activité, appelée aussi loi Macron, une aggravation des peines et la possibilité d'arrêter les travaux effectués par l'entreprise en infraction par rapport au droit du détachement.

 

Enfin, il a repris une proposition prônée par la FFB, celle de l'obligation d'une carte d'identité professionnelle pour tous les ouvriers du bâtiment. Une mesure qui s'inscrit dans ce même projet de loi, et que la FFB espère voir entrer en vigueur dès le 1er janvier 2015.

 

Le président Jacques Chanut s'est ainsi félicité de cette mesure, estimant jusqu'ici avoir le "sentiment d'être dépourvu de défense face à la fraude". Constatant un phénomène qui s'installe durablement depuis plusieurs mois, il veut aujourd'hui "casser le sentiment d'impunité" de certaines entreprises face à la fraude et a conclu que "la FFB ne peut pas accepter qu'un modèle économique soit basé sur la fraude". Revenant sur la carte d'identité professionnelle, il a rappelé son principe : aujourd'hui, elle existe et est gérée par la caisse des congés payés et d'intempéries. Elle est fournie gratuitement à l'ensemble des salariés de nos entreprises, et elle devrait donc être étendue à tous les travailleurs sur les chantiers, intérimaires compris, en France ou de l'étranger. Au final, cela devrait engendrer "une égalité de traitement pour tous", poursuit Jacques Chanut.

 

Ces mesures seront-elles suffisantes ? "Croyez-moi, on saura rappeler ce qui vient d'être annoncé. Notre profession est suffisamment en souffrance pour être impatiente de voir cela mis en œuvre. Charge à nous, relativement à la carte professionnelle, d'être prêts, et nous le serons !", conclut-il.

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