Isolation défectueuse, fenêtre simple vitrage, meilleure performance énergétique... La démarche de l'auto-construction ou auto-réhabilitation accompagnée qui vise les particuliers les plus modestes à réaliser eux-mêmes ces travaux de rénovation énergétique sera discutée ce vendredi. L'Association nationale des compagnons bâtisseurs (ANCB) nous explique les enjeux.

Pratiqués depuis une dizaine d'années par des associations d'aides de construction de logements, les chantiers d'auto-réhabilitation visent à accompagner les populations les plus modestes dans un projet collectif d'amélioration, d'adaptation et d'entretien des logements, qui s'articule autour d'ateliers collectifs et de chantiers d'entraide.

 

Un dispositif qui sera au coeur d'un débat*, ce vendredi 24 juin 2016, organisé par l'Association nationale des compagnons bâtisseurs (ANCB) auquel devrait participer la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse. Pour rappel, ce mouvement associatif d'éducation populaire intervient depuis une cinquantaine d'années dans l'amélioration de l'habitat, notamment en accompagnant les constructions et les rénovations et participent à des chantiers d'insertion et des actions de formation.

 

"Rénover, améliorer ou produire des logements dignes ne peut se faire qu'avec les habitants concernés."

 

"Nous rappellerons à la ministre notre action quotidienne qui vise à contribuer à une politique de l'habitat plus juste, qui intègre ceux qui en sont exclus et qui tient réellement compte des interactions entre les personnes, leur logement, leur voisinage et leur environnemental territorial, nous explique Jean-Paul Lebas, président des Compagnons bâtisseurs et bénévole en Ile-de-France. Rénover, améliorer ou produire des logements dignes ne peut se faire qu'avec les habitants concernés."

 

C'est pourquoi, les chantiers d'auto-réhabilitation d'un logement placent, d'après l'ANCB, la capacité des habitants à s'investir, à agir individuellement et collectivement sur l'ensemble du processus, de la conception à l'occupation du logement, en passant par sa production, son amélioration et son entretien.

 

Un dispositif social réservé aux ménages les plus modestes

 

"Il s'agit jusqu'à aujourd'hui d'un dispositif social, réservé aux ménages les plus modestes, qui s'inscrit dans le programme 'Habiter mieux' de l'Agence nationale de l'Habitat (Anah) notamment pour un projet territorial, un quartier, un centre-bourg, précise aussi Hervé Cogné, directeur de l'association. Dans l'optique de lutter contre la précarité énergétique, nous mobilisons à travers ces actions d'auto-réhabilitation accompagnées, les collectivités territoriales, les Caisses d'allocations familiales, les organismes HLM, l'ADEME, les services de l'Anah mais aussi les fondations de groupe de BTP comme Eiffage ou Vinci et les négoces comme Saint-Gobain Distribution Bâtiment France."

 

Depuis 2014, ce dernier acteur le Mouvement des Compagnons Bâtisseurs compte le nouvel allié, Saint-Gobain, grâce à son réseau de 2.000 points de vente, participe ponctuellement par le don de matériaux.

 

Pour l'ANCB, qui avait entériné en 2013 un plan de développement à cinq ans de l'offre d'accompagnement de chantiers d'auto-réhabilitation, l'objectif n'a pas changé. L'association souhaite depuis trois ans multiplier par 10 de ses activités d'auto-réhabilitation en cinq ans, c'est-à-dire passer de 1.000 à 8.000 chantiers par an, dont 4.000 interventions chez les propriétaires dans le cadre du Plan de rénovation énergétique de l'habitat (PREH). A noter que ce volume d'activité annuel visé représente moins de 1 % de l'objectif global de rénovation des 500.000 logements par an inscrit au PREH. A ce jour, l'ANCB enregistre 1.000 chantiers réalisés à 80 % en Zone urbaine sensible (ZUS).

 

Concurrence déloyale pour les artisans du bâtiment ?

 

Dans ce sens, le président Jean-Paul Lebas,rappelle bien que "le mouvement associatif est complémentaire des acteurs de l'artisanat du bâtiment et de la construction et non pas concurrent."

 

 

Avant d'ajouter : "Je le répète à la CAPEB et la FFB, notre intervention d'auto-réhabilitation ouvre sur des marchés dans le secteur du bâtiment et surtout sur des missions localisées." Leur inquiétude porte, effectivement, depuis une dizaine d'années sur une concurrence déloyale pouvant générer une perte d'activité pour leurs adhérents, estime-t-il.

 

"Au final, nos 700 animateurs socio-techniques, composés d'architectes, artisans, aménageurs, bénévoles rassurent les artisans au quotidien, ajoute Jean-Paul Lebas. Et nous nous félicitons que les collectivités territoriales identifient ces chantiers comme un levier possible de leurs politiques de rénovation énergétique de l'habitat."

 

De leur côté, la CAPEB et la FFB se sont déjà exprimées sur le sujet dans un rapport** du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) publié le 18 décembre 2014 : "Elles s'opposent, fermement, au principe d'ériger l'auto-réhabilitation accompagnée des logements comme une voie autonome et généralisable de rénovation énergétique des logements, avec le risque d'en détourner l'objectif social premier et permettre ainsi le développement de structures intermédiaires entre des bénéficiaires, bien souvent aidés par des subventions, et les entreprises qui réalisent les travaux."

 

Les principaux freins relevés dans le rapport du CGEDD

 

Le même rapport pointait du doigt les principaux freins : "le modèle économique en place faisant peser un risque financier indu sur les opérateurs qui restent tributaires de financements publics insuffisants et incertains ; la réticence des opérateurs à assumer leur appartenance au monde de la construction nuit à leur positionnement dans la filière bâtiment et pénalise la recherche de partenaires, notamment avec les assureurs et les entreprises de construction, et enfin la fonction d'animateur socio-technique reste à définir et à faire figurer au répertoire opérationnel des métiers et des emplois pour faciliter le recrutement de professionnels du bâtiment."

 

Malgré ces dernières recommandations du CGEDD, "l'objectif du projet de développement des compagnons bâtisseurs restera bien d'inscrire l'auto-réhabilitation accompagnée parmi les instruments du PREH sans sortir de sa vocation très sociale", conclut Jean-Paul Lebas.

 

L'opportunité de la loi "Egalité et Citoyenneté"

 

L'occasion pour son réseau de rappeler aussi ce vendredi à son débat que le projet de loi "Egalité et Citoyenneté" examiné en ce moment au Parlement en procédure accéléré, pour une adoption définitive au début de l'automne "est une opportunité pour assoir la reconnaissance de la capacité à agir individuelle et collective des habitants, en lui assurant le soutien financier des programmes d'investissement de rénovation urbaine (NPNRU)." C'est en tout cas la visée de l'amendement porté par la députée socialiste Maud Ollivier, qui a été rejeté par la Commission des affaires spéciales de l'Assemblée nationale, la semaine dernière. "Il s'agit d'instaurer un meilleur équilibre entre les investissements matériels (Ndlr : rénovation, réhabilitation) et les investissements immatériels (Ndlr : actions d'entraides aux habitants) dans les opérations effectuées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville", pointait l'amendement.

 

* Débat organisé ce vendredi 24 juin 2016 : "Quelles politiques de l'habitat, de la jeunesse et du vivre ensemble pour les habitants fragilisés ?" au Conservatoire national des Arts et Métiers, 75003 Paris.

 

** Le rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD)intitulé "Contribution de l'auto-réhabilitation accompagnée au plan de rénovation énergétique de l'habitat", publié le 18 décembre 2014.

 

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