Les professionnels du secteur du Bâtiment étaient conviés ce jeudi à commenter les conclusions de l'Observatoire des délais de paiement publié fin janvier. Parmi les sujets brûlants, celui des délais cachés abordé par le président de la FFB, qui n'a pas manqué de faire des propositions pour lutter contre ce fléau. De son côté, la Capeb a alerté sur le problème des particuliers qui n'étaient pas concernés par les délais de paiement. Explications.

"Les délais de paiement sont essentiels dans l'équilibre de l'économie de notre pays", a d'emblée affirmé Jean-Hervé Lorenzi, président de l'Observatoire des délais de paiement, en introduction de la présentation, ce jeudi 28 février, de son rapport publié il y a quelques jours. L'idée de la rencontre de ce jour n'était pas de présenter le rapport et ses 13 mesures, mais de faire réagir les professionnels, fédérations et institutionnels, aux conclusions de ce rapport.

 

Tributaire des vérifications de facture
Ainsi, Didier Ridoret, président de la Fédération française du Bâtiment, a fustigé les délais cachés qui grèvent les trésoreries des entreprises du secteur. La traque aux délais cachés est d'ailleurs la mesure n°3 du rapport de l'Observatoire. Dans le bâtiment, ils correspondent notamment au temps de vérification des factures, du rendu des situations de travaux (accomptes) et aussi du décompte général (DGD). Mais quatre ans après l'entrée en vigueur de la LME, les délais cachés continuent de nuire gravement aux entreprises. Souvent démunies face aux comportements abusifs, ou hésitantes lorsqu'il s'agit d'engager une épreuve de force avec leurs clients, celles-ci préfèrent souvent attendre, quitte à supporter dans l'immédiat des conséquences financières néfastes. "C'est là que ça se complique !, constate ainsi Didier Ridoret. D'autant que la marge nette actuelle pour nos entreprises n'est que de 1%". Et de mettre le doigt sur le décalage qui se produit en matière de délais de paiement, qui aujourd'hui sont de 90 jours avec les clients et de 70 jours avec les fournisseurs. "Les entreprises n'ont alors plus d'autre choix que de se tourner vers les banques pour renflouer leur trésorerie", déplore-t-il. Et d'ajouter : "Il est donc vital que les délais de paiement soient contractés".

 

Delai paiement
Delai paiement © CL-Batiactu
Une nouvelle loi dans le Code de la Construction ?
Pour lutter contre les délais cachés, le président de la FFB n'a qu'une solution : "Que les délais de vérification des factures soient inclus dans les délais de paiement !", martèle-t-il. Car dans les faits, le délai de paiement ne court qu'après vérification des factures, ce qui peut conduire les entreprises à être payées jusqu'à six mois, voire deux ans, après leur prestation. "Nous réclamons deux mesures indispensables : s'agissant des marchés privés, qu'une loi incluant les délais cachés dans les délais de paiement soit inscrite dans le Code de la Construction ; s'agissant des marchés publics, que le code des marchés publics soit révisé afin de contraindre l'Etat et les collectivités à respecter cette mesure", insiste Didier Ridoret. Qui prend soin de préciser : "Nous ne demandons pas de modification de la LME !".

 

Les artisans laissés-pour-compte dans la LME
La Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment - par la voix de sa vice-présidente, Sabine Basili - s'est notamment exprimée sur la question des délais de paiement élargis aux clients particuliers. "Nos entreprises [53% du marché des artisans du bâtiment se fait avec les particuliers, ndlr] arrivent en bout de chaîne, et nous observons un allongement des délais de paiement, qui ne sont pas encadrés par la LME", a-t-elle indiqué devant les rapporteurs de l'Observatoire. C'est bien là le problème : comment exiger des particuliers un paiement rapide alors qu'aucune loi ne régit ce maillon de la chaîne ? "Si l'on ne peut pas imposer aux particuliers, c'est peut-être aux banques de pallier. Nous proposons également que celles-ci puissent libeller les prêts des particuliers directement auprès de l'entreprise de bâtiment. Cela se passe déjà avec l'établissement bancaire Solféa, mais c'est encore embryonnaire. Et idem pour les travaux subventionnés, que ce soit sur des programmes type Habiter Mieux, ou avec l'Anah ou le PACT. Les chaînes de subventions sont longues et peuvent vite décourager les entreprises", nous a-t-elle confié à l'issue de la présentation.

 

"Ces remarques sont importantes et nous allons en prendre compte", a conclu Jean-Hervé Lorenzi. Qui a ajouter : "Il faut booster cette histoire de délais de paiement, tout n'est pas résolu. Mais nous y travaillons".

 

Les travaux publics également impactés
"Sachant que les Travaux publics représentent 70% des commandes publiques, la question des délais de paiement est un véritable problème pour la profession. Nous préconisons donc que soient appliqués les intérêts moratoires [article 98 du Code des marchés publics, ndlr], et ce de façon systématique. Il faut régler le problème de façon informatique", s'est insurgé Bruno Cavagne, vice-président de la Fédération nationale des travaux publics. Et le responsable d'émettre une seconde proposition : "On demande des avances, mais sans garantie !". Selon lui, il n'y a pas de volonté politique pour résoudre le problème des délais de paiement : "Si l'Etat et les collectivités arrivaient à payer en temps et en heure, ça règlerait beaucoup de choses".

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