Des équipes de chercheurs internationaux planchent depuis des années sur ce qui ressemble à la pierre philosophale : un matériau transformerait la chaleur perdue en électricité. Une technologie qui permettrait de récupérer une partie d'énergie gaspillée et d'alimenter des équipements afin de les rendre autonomes. Une équipe américaine a réalisé dernièrement une grande avancée.

Une équipe américaine de l'université Northwestern (Illinois), menée par Mercouri Kanatzidis, a développé un matériau permettant de convertir entre 15 et 20 % de la chaleur résiduelle en électricité utile. Le phénomène appelé « thermoélectricité » consiste à recycler la chaleur, normalement perdue, pour générer de l'énergie. Une technologie qui pourrait servir par exemple dans les centrales nucléaires - où les deux-tiers de l'énergie produite sont dissipés dans des circuits de refroidissement -, dans l'industrie lourde (raffineries, hauts fourneaux) ou, plus près de nous, dans les réacteurs d'avions, les pots d'échappement des véhicules, les panneaux photovoltaïques ou les processeurs électroniques. Elle est employée depuis de nombreuses années dans l'exploration spatiale : le récent robot martien « Curiosity » est par exemple alimenté par un générateur thermoélectrique à radio-isotope, tout comme la sonde « Voyager » lancée en 1977. Le flux de chaleur, généré par du plutonium radioactif se désintégrant lentement, traverse un système de conversion thermoélectrique à base de silicium et de germanium permettant d'alimenter la sonde en électricité. En s'éloignant du soleil, les panneaux solaires deviennent en effet inutiles. Mais la technologie reste confidentielle et se heurte à une limite : le manque d'efficacité des matériaux thermoélectriques.

 

Un bond de géant pour la thermoélectricité
« Notre système est le plus performant, à n'importe quelle température », explique le chercheur de l'université Northwestern. Chimistes, physiciens, ingénieurs et spécialistes des matériaux ont ainsi collaboré afin de mettre au point la nanostructure basée sur le tellurure de plomb. Dans une étude publiée par la revue britannique Nature, les scientifiques affirment que le « facteur de mérite » (ZT) est le plus élevé à ce jour, avec un ZT égal à 2,2 là où la majorité des matériaux actuels présentent des valeurs proches de 1. Le chimiste allemand Tom Nilges (université technique de Munich) n'hésite pas à déclarer, dans les commentaires de l'article, qu'il s'agit d'un « bond de géant pour la thermoélectricité ». Cela constitue en tout cas un pas vers le facteur ZT = 3 nécessaire pour développer des applications domestiques concurrentielles.

 

D'autres équipes explorent des pistes alternatives : à Duisbourg par exemple (Allemagne), les chercheurs développent une technologie basée sur du nano-silicium. Une solution qui présenterait l'avantage du coût et de la facilité d'utilisation par rapport aux techniques traditionnelles qui font appel à des matériaux toxiques (plomb) et à des terres rares (tellure, sélénium). Le rendement serait par contre moins intéressant que la découverte américaine. Mais dans les deux cas, la science progresse et l'utilisation d'énergie perdue deviendra une réalité dans quelques années, permettant de toujours mieux satisfaire la logique de durabilité.

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