URBANISME. Le concept du Zéro artificialisation nette (Zan), qui reste à définir, va mécaniquement obliger les acteurs de la construction à se reporter sur l'adaptation du bâti existant, explique Philippe Pelletier, du Plan bâtiment durable. Les élus locaux ont, eux, déjà commencé à réduire les zones urbanisables dans les PLU.

Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable (PBD), en est persuadé : la rénovation des bâtiments est le nouveau champ d'action des architectes et des promoteurs. Il l'a expliqué en introduction d'une table-ronde, organisée le 5 mars conjointement avec l'OID (Observatoire de l'immobilier durable), sur les enjeux du Zéro artificialisation nette (Zan). Dès lors, "pour les architectes et les promoteurs, la feuille blanche, c'est fini !", et il va falloir s'attacher à "adapter le bâti existant aux besoins actuels des ménages".

 

Cause principale de cette évolution : la lutte contre l'étalement urbain, et son corollaire, le concept - assez récent - de Zéro artificialisation nette. Entré dans le paysage administratif à la faveur, d'une part, du plan Biodiversité présenté en juillet 2018 par Nicolas Hulot, et d'autre part, d'une instruction aux préfets de juillet 2019 relative "à l'engagement de l'État en faveur d'une gestion économe de l'espace", ce concept reste à préciser.

 

Julien Fosse, de France Stratégie, auteur du rapport sur le Zan remis au Premier ministre en juillet dernier, rappelle que "la définition est imparfaite", puisque tout ce qui n'est pas dans la catégorie Enaf (espaces naturels agricoles et forestiers) est considéré comme artificialisé. Ainsi, "un jardin public vaut un parking, si l'on en reste à cette définition". France Stratégie propose donc de faire évoluer la définition, en prenant en compte, par exemple, le taux d'imperméabilisation des sols.

 

 

Exclure Pinel et PTZ des opérations qui artificialisent

 

L'erreur, pointe par ailleurs Julien Fosse, serait de croire que l'ont peut compenser l'artificialisation des terres en renaturant certains sites. "La renaturation n'est pas une désartificialisation : il faut une centaine d'année en moyenne pour recréer un centimètre d'humus". A cela s'ajoute le coût prohibitif du procédé : 100 à 400 euros du mètre carré, hors démolition.

 

Pour France Stratégie, il faut donc réduire drastiquement le rythme d'artificialisation des sols, en densifiant et en faisant du renouvellement urbain. Parmi les recommandations faites au gouvernement : prévoir dans les PLU des densités minimales et des taux planchers de renouvellement urbain, "exclure les dispositifs tels que Pinel et PTZ des opérations où le foncier procède d'une artificialisation", ou encore moduler la taxe d'aménagement pour inciter à la densification, en la corrélant à l'imperméabilisation des surfaces, par exemple.

 

Le Zan, "deuxième grand virage" de la planification

 

Même si le Zan n'est pas encore opérationnel, la lutte contre l'étalement urbain fait, elle, déjà partie des réflexions au niveau local. "Le premier grand virage de l'aménagement a été le plan local d'urbanisme intercommunal [PLUI] ; le deuxième grand virage, c'est le Zan", affirme Philippe Schmit, secrétaire général de l'ADCF (Association des communautés de France), qui représente les intercommunalités. "C'est même l'enjeu du prochain mandat".

 

L'élu intercommunal le voit, dans l'élaboration des PLUI : il n'y a pas de consensus sur la question parmi les maires. "Il y a une opposition entre ceux qui disent 'inventons des nouvelles façon de faire de l'aménagement' et ceux qui disent 'limiter l'étalement c'est entraver le développement'". D'autant plus, explique Philippe Schmit, que réduire les zones urbanisables dans les documents d'urbanisme, c'est changer la relation de l'élu avec les propriétaires fonciers : "il existe un lien entre les stratégies publiques d'aménagement et l'intérêt de certains dans l'urbanisation, soyons honnêtes".

 

Propriétaires fonciers spoliés ?

 

"Jusqu'ici, le rapport était bénéfique à tous : on ouvrait des droits à urbaniser, les propriétaires s'enrichissaient. C'est plus compliqué quand il faut expliquer que certaines zones repassent d'urbanisables à naturelles. Les élus reçoivent des administrés qui leur disent 'vous nous volez', en réalité 'vous nous volez de la possibilité de nous enrichir'. Mais certains ont pu payer des droits de succession assise sur la valeur de terres urbanisables, qui peuvent donc se sentir spoliés".

 

"Et encore, à ce jour on rétrozone surtout des fonciers devenus urbanisables dans les années quatre-vingt, à la faveur d'anciens plans d'occupation des sols [POS, ancêtres des PLU], et qui n'ont pas trouvé preneurs", insiste l'élu, manière de souligner que les difficultés en matière de lutte contre l'artificialisation sont devant les élus du bloc municipal.

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