Le port de Tanger-Méditerranée, en construction, se veut une plate-forme commerciale entre l'Europe et l'Afrique, l'Asie et les Etats-Unis, et fait le pari ambitieux de désenclaver l'une des régions les plus pauvres du Maroc grâce aux zones franches alentour.

Situé à une quarantaine de kilomètres à l'est de la ville de Tanger, où se trouve le port actuel, ce terminal à conteneurs en eau profonde veut rivaliser avec le port espagnol d'Algésiras situé juste en face, à 14 kilomètres. «Il y a une foultitude de ports à conteneurs en construction actuellement, partout dans le monde», explique Christian Gazaignes, directeur général de

Bouygues Travaux Publics, en charge d'une partie du chantier. Du fait de la mondialisation des échanges, les navires, de plus en plus grands, ont besoin de pouvoir débarquer leurs marchandises en cours de route, ne pas dévier, et pouvoir repartir.

Le détroit de Gibraltar est la deuxième route la plus importante du monde pour le transport des conteneurs. «Il peut s'agir de produits asiatiques, qui sont transformés au Maroc, et qui repartent ensuite aux Etats-Unis», explique Said Elhadi, président du directoire de TMSA, l'agence gouvernementale chargée du projet du port Tanger Med.

Ce port, dont la première partie sera opérationnelle à l'été 2007, est voué à devenir un des trois plus grands ports de ce type de la Méditerranée, selon TMSA. Son premier terminal a été concédé au groupe danois Maersk. Un poste pétrolier, deux terminaux céréaliers et un terminal passagers sont aussi programmés. «Le coût y sera dix fois moins élevé qu'au port de Rotterdam», assure Joseph Harnois, responsable du projet pour le groupe Bouygues. Malgré la concurrence de la Chine dans le domaine du textile, le Maroc veut continuer d'exporter et met en avant sa réactivité : «commander et livrer des produits deux semaines après, le Maroc peut le faire, la Chine ne peut pas», avance M. Elhadi.

Derrière l'activité portuaire proprement dite, le Maroc cherche aussi à développer économiquement le nord du pays, délaissé pendant des années mais aujourd'hui chéri par le roi Mohammed VI. Les investissements publics pour ce projet se montent à 1,5 milliard d'euros. Le port et les trois zones franches attenantes (commerciale, logistique, et industrielle) forment une zone de 500 kilomètres carrés, desservie par de nouvelles infrastructures routières et ferroviaires en cours de construction par des entreprises marocaines, chinoises et turques.

«Les investissements dans l'automobile, l'aéronautique, l'électronique, le textile, et l'agroalimentaire seront privilégiés», explique encore M. Elahdi, qui chiffre à 145.000 l'objectif de créations d'emplois d'ici 15 ans. «Le développement économique peut engendrer moins de clandestins», explique de son côté M. Harnois, qui supervise la construction de la digue principale du port, longue de deux kilomètres, par quelque 1.300 ouvriers. Car Tanger, qui a inspiré nombre d'écrivains et devient aujourd'hui plus ‘tendance’ que Marrakech, reste une ville de trafic et d'illusions, pour ‘tendance’ les nombreux clandestins qui veulent rejoindre l'Europe à tout prix. Non loin du chantier, quatorze hommes sont morts récemment en voulant quitter le Maroc à bord d'un zodiac, explique M. Harnois.

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