RISQUE. La crise des assureurs construction en libre prestation de services (LPS) continue de faire des dégâts. Dans le Nord, c'est ainsi un groupe de construction de maisons individuelles qui a dû mettre la clé sous la porte, à la suite de la faillite de plusieurs de ses garants. Détails.

C'est par une vidéo postée sur Internet que la dirigeante du groupe Maison neuve (30 salariés, Villeneuve d'Ascq), a annoncé la fermeture définitive de son entreprise. Un geste courageux, massivement salué sur les réseaux sociaux, pour informer clients, sous-traitants et partenaires. La descente aux enfers du groupe a débuté par la faillite de trois acteurs impliqués dans l'assurance-construction en libre prestation de service (LPS) : l'assureur néo-zélandais CBL, le courtier d'assurance SFS et l'assureur de Gibraltar Elite. Priscilla Saunier, ex-dirigeante de la société, contactée par Batiactu, nous en dit plus. "Nous travaillions avec ces acteurs pour la garantie de livraison à prix et délais convenus", explique-t-elle. "Lorsqu'ils se sont retirés, nous sommes passés de 18 millions d'euros d'en-cours à seulement cinq millions d'euros."

 

Impossible de trouver assez de garants

 

Malgré des négociations poussées avec plusieurs assureurs pour prendre le relais, les démarches n'aboutissent pas. "J'ai repris l'entreprise en 2016, et nous avons réalisé une formidable année en termes de résultats. Mais les deux bilans précédents étaient mauvais." C'est parce qu'ils tiennent compte des trois derniers bilans que ces assureurs ne prennent pas le risque de continuer l'aventure avec Maison neuve. Élément aggravant : le ralentissement du marché de la maison individuelle ces derniers mois, du fait notamment du rabotage des aides par le Gouvernement.

 

 

Au final, l'activité du groupe étant fortement limitée faute d'un manque de garants, il est placé en cessation de paiement. Le rupture est brutale et difficile à digérer pour la présidente qui voulait redresser durablement le groupe.

 

"C'est rageant"

 

Si la faillite des assureurs n'est qu'un des facteurs ayant entraîné la chute de la structure, cela a tout de même joué un rôle déclencheur. Et le risque n'était pas facile à évaluer en amont. "Quand je suis arrivée à la tête du groupe, notre courtier nous a dirigés vers des assureurs qui étaient moins regardants sur la qualité des bilans. Mais je ne savais pas que ces acteurs étaient fragiles à ce point... Nous espérions toutefois pouvoir rejoindre des assureurs 'historiques' après avoir avoir enchaîné deux ou trois bilans positifs. C'est rageant."

 


 

Priscilla Saunier ne pense pas être la seule dans ce cas. "Nous sommes très nombreux à subir les conséquences de ces faillites d'assureurs", assure-t-elle. "Je verrais bien ce phénomène se répandre, d'autant plus qu'il n'émeut personne, si ce n'est LCA-FFB [organisation au sein de laquelle Priscilla Saunier est engagée, NDLR]. Il n'y a pas eu tellement d'alertes en amont sur ce risque. Si j'en avais eu conscience, je ne me serais jamais lancée dans cette démarche."

 

Un travail de "sensibilisation" en amont, D. Duperret (LCA-FFB)
"Nous avons constaté une offensive de ces assureurs en libre prestation de services", observe Dominique Duperret, délégué général de LCA-FFB, joint par Batiactu. "Leur politique est simple : des tarifs très compétitifs par rapport aux opérateurs 'classiques'." L'assurance étant un sésame indispensable pour commercialiser des maisons individuelles dans le cadre d'un CCMI. "Lorsqu'une société subit la défaillance d'un tel garant, soit elle trouve refuge auprès d'un assureur 'historique' car ses bilans sont bons, soit sa situation financière est plus compliquée et la porte se ferme", résume Dominique Duperret. "Nous avons heureusement fait un travail en amont de sensibilisation de nos adhérents, qui fait que seule une toute petite partie sont touchés."

 

L'ACPR interdit l'activité de trois assureurs en LPS
Le gendarme des assurances en France, l'ACPR, a fait savoir fin décembre 2018 que trois assureurs intervenaient illégalement en France sous le régime de la libre prestation de services. Il s'agit de Royal insurance (Global) limited (Royaume-Uni), Radian Europe limited (Royaume-Uni) et Quanta Europe Limited (Irlande). Contactée par Batiactu, l'ACPR n'a pas pu nous dire si l'un de ces acteurs (ou plusieurs) intervenait dans le secteur de la construction. "L'ACPR invite les personnes qui auraient souscrit de tels contrats à trouver au plus vite une nouvelle solution d'assurance et à déposer une plainte dans les meilleurs délais (https://www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr)", précise également l'autorité.

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