PROFESSION. L'Ordre des architectes d'Île-de-France a tenu une conférence de presse pour dévoiler les priorités de la profession. Crise de la construction neuve, réhabilitation… plusieurs sujets ont été abordés.

Pandémie de Covid-19, hausse des prix des matériaux et de l'énergie, et aujourd'hui, crise de la construction neuve. Les architectes ont traversé des épisodes difficiles ces trois dernières années. La question du logement est sur touts les lèvres. D'ici 2050, l'Île-de-France comptera un million d'habitants supplémentaires qu'il faudra loger, indique la préfecture de la région. En parallèle, l'augmentation des taux d'intérêt empêche de nombreux ménages d'acquérir un bien. "La production de logements est un vrai sujet", déclare Fabien Gantois, président de l'Ordre des architectes d'Île-de-France (Croaif), lors d'une conférence de presse ce mercredi 13 septembre 2023.

 

Les habitations doivent toutefois être adaptées aux effets du dérèglement climatique. De ce côté, le Croaif attend de connaître les mesures prévues par le gouvernement dans son plan national d'atténuation et d'adaptation au changement climatique, qui devrait être dévoilé à la fin de l'année. "Peut-être alors que la réglementation environnementale 2020 (RE2020) devra être actualisée, notamment au regard des périodes caniculaires que nous avons connu et que nous continuerons de connaître ?", imagine Fabien Gantois. "L'année 2003 [où une vague de chaleur d'une intensité exceptionnelle s'était abattue en août en France] sera bientôt une année standard."

 

Les efforts menés sur les bâtiments construits et rénovés aujourd'hui devraient ainsi être profitables pour les populations à venir, explique-t-il. "Un bâtiment ne dure normalement pas 30 ans mais plutôt un à trois siècles. Les édifices que nous réalisons aujourd'hui devront être capables de protéger les usagers du climat de 2100." Pourtant, le chemin semble encore long avant d'atteindre cet objectif. Selon Fabien Gantois, 18 millions de logements français ne sont pas adaptés aux chaleurs extrêmes qui pourraient se produire en 2050.

 

Modifier les bâtiments plutôt que les démolir

 

Mais alors, comment faire ? La rénovation des toits est "essentielle", notamment dans les logements situés au dernier étage, tout comme la conception de logements traversants, qui permettent une ventilation naturelle efficace. Surtout, l'organisme défend la réhabilitation. C'est même "l'enjeu numéro un" de la profession, selon lui. Il aimerait que l'ensemble des acteurs de la construction et les politiques considèrent chaque bâtiment "comme une ressource". "S'il n'y a pas de mesures fortes prises, alors nous verrons arriver sur le marché des logements de mauvaise qualité", pressent-il.

 

Certes, la réhabilitation est "complexe", il le concède. "C'est de la haute couture, c'est aussi l'éloge de la complexité", philosophe-t-il. Il voit l'architecte comme celui qui doit occuper le rôle de chef d'orchestre dans ces réhabilitations. "Beaucoup d'acteurs vendent des solutions prêtes à l'emploi, alors que la réhabilitation demande une réflexion holistique et l'adoption de démarches transversales", assure-t-il.

 

Évolution du marché et de la profession

 

Le Croaif prédit des mutations importantes concernant la demande du marché ces prochaines années. Il a déjà pu observer la montée en puissance de la réalisation de diagnostics dans l'existant. "La réhabilitation est arrivée très vite sur le marché et répond à tous les objectifs les plus vertueux", continue Fabien Gantois. "Aujourd'hui, l'ensemble des acteurs du Bâtiment, des promoteurs aux architectes en passant par les financeurs, doit travailler ensemble" pour massifier la réhabilitation.

 

 

Ce changement de paradigme influence même la profession d'architecte. En quinze ans, Fabien Gantois a constaté une transformation "majeure" de la profession. Il se réjouit de l'engouement et de l'engagement de la jeune génération pour ce sujet et constate que certains ont même pris position pour ne plus construire du tout. "C'est devenu une stratégie de développement d'agence", raconte-t-il.

 

"La jeune génération a pleinement compris les enjeux du réchauffement climatique, et utilise par exemple des matériaux décarbonés." Cette prise de conscience, également visible dans les autres secteurs professionnels, est due à l'accélération des effets du dérèglement climatique dans le monde mais aussi à l'évolution de l'enseignement dans les écoles nationales supérieures d'architecture. "Si, dans les années 1990, la réhabilitation était, dans les écoles, totalement absente du discours, le sujet fait aujourd'hui l'objet de cours spécifiques voire même des masters. Les jeunes architectes s'intéressent aux techniques constructives existantes, et au geste constructif. Le métier, en pleine transformation, ne sera plus le même d'ici cinq ans", soutient-il.

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