MAL-LOGEMENT. Dans le cadre d'une table-ronde consacrée à la lutte contre l'habitat indigne au Congrès des maires, les édiles ont demandé à ce que l'Etat maintienne une certaine souplesse dans la gouvernance, un accès plus large aux données permettant d'identifier les propriétaires, et davantage de moyens pour appliquer certains outils comme le permis de louer.

L'habitat indigne, une patate chaude pour certains élus, et un gage de proximité pour d'autres. Alors que devrait paraître au début de l'année prochaine l'ordonnance relative à l'article 198 de la loi Elan, des élus ont tenu à rappeler leur attachement à leur compétence de l'habitat indigne, qu'ils jugent perfectible cependant. Du texte législatif attendu doit sortir une simplification des polices de résorption de l'habitat insalubre ou indécent, et du jeu d'acteurs compétents en la matière.

 

Réunis au Congrès des maires autour du ministre du Logement Julien Denormandie, du délégué interministériel Sylvain Mathieu et du député (LREM) Guillaume Vuilletet, des élus ont appelé à ne pas rigidifier la répartition des rôles, alors que le rapport rendu en octobre par le député du Val d'Oise élève plutôt l'intercommunalité en cheffe de file.

 

"Il faut que l'on reste en proximité sur ces sujets, cela ne veut pas dire que l'intercommunalité ne doit pas agir pour autant", affirme Pierre Jarlier, maire de Saint-Flour (Cantal) et vice-président de l'Association des maires de France (AMF) pour le logement. Pour Frédéric Chéreau, édile de Douai, l'intercommunalité pourrait contribuer à combler les failles du repérage de l'habitat indigne, encore lacunaire. "L'agglomération pourrait jouer un rôle d'observatoire, en recueillant les données des différents acteurs, qui peu à peu, permettent de dresser une cartographie beaucoup plus fine", propose-t-il.

 

"Ce n'est pas à l'Etat de dire quel est le rôle de chacun"

 

Dans tous les cas de figure, "ce n'est pas à l'Etat de dire quel est le rôle de chacun", postule Frédéric Chéreau, mais plutôt de trouver le bon équilibre qui permet d'accélérer la connaissance et la résorption de l'habitat indigne. A l'image de la ville de Saint-Denis, en région parisienne, qui a fait le choix d'un tandem "bon flic mauvais flic" aux côtés de l'établissement public de coopération intercommunalie (EPCI) Plaine Commune.

 

La commune garde la main sur les arrêtés de péril et l'attribution des permis de louer, alors que l'intercommunalité pilote l'Opération publique d'amélioration de l'habitat (Opah) et les aides afférentes. "Nous avons trouvé une manière de fonctionner qui nous permet d'être assez efficace, et il nous semble important de garder cette forme de travail, coercitif pour la ville et incitatif au niveau de l'EPCI", témoigne Mathilde Caroly, maire-adjointe de Saint-Denis en charge de l'habitat et du logement.

 

A l'échelle des enjeux d'habitat auxquelles elle est confrontée, la ville de Saint-Denis reste une exception, où le service communal d'hygiène et de salubrité (SCHS) dispose d'un pôle distinct de lutte contre l'habitat indigne, avec des moyens humains conséquents. Mais pour l'élue Mathilde Caroly, le volontarisme municipal n'est toujours pas suffisamment soutenu par l'Etat, et propose par exemple, de sortir les dépenses du SCHS du calcul des dépenses de fonctionnement global des municipalités, dans le cadre de la réduction de leur déficit.

 

Financer l'instruction des permis de louer

 

Même constat pour le permis de louer, outil créé par la loi Alur et mis en place par les communes ou les EPCI sur la base du volontariat. Si les élus saluent son efficacité, "une arme absolue" pour Frédéric Chéreau, ils regrettent que les moyens humains n'aient pas augmenté proportionnellement à l'empilement des demandes de permis. "Nous sommes très favorables à l'instauration d'un timbre, parce qu'il faut solvabiliser le dispositif. Avoir un mois de loyer en moins ne tuera pas les propriétaires bailleurs, mais ça nous permettra à nous de financier l'ingénierie", avance le maire de Douai. "Le permis de louer est une excellente arme à manier sur un territoire, mais il est clair que chaque fois qu'on le met en place sur un territoire, il faut s'en donner les moyens", concède Sylvain Mathieu, délégué interministériel à l'hébergement et à l'accès au logement.

 

Malgré le rapide succès de cet outil dans les métropoles, il n'attrape pas dans ses filets les propriétaires indélicats ou marchands de sommeil. Une recherche qui s'avère souvent complexe pour les élus, qui se heurtent souvent au sacro-saint droit de la propriété, ou à la protection des données fiscales. A ce titre, Frédéric Chéreau demande à l'Etat d'aider les élus "à creuser derrière les sociétés civiles immobilières pour gagner en efficacité". Un outil nouveau qui pourrait faire l'objet "d'un partenariat avec l'Etat", admet Sylvain Mathieu. De son côté, le ministre du Logement Julien Denormandie a confirmé "un vrai problème de transmission des données fiscales", qui permettent pourtant d'identifier un propriétaire indélicat.

 

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