Le projet du nouvel aéroport de Bangkok doit être revu si la Thaïlande veut conserver son statut de plate-forme régionale, estiment les experts aéronautiques inquiets de voir sortir de terre un aéroport de trop faible capacité et en retard sur les prévisions.

"Ce que nous avons vu ici n'est pas professionnel", a déclaré David Inglis, directeur adjoint du Département du développement des aéroports à l'IATA, l'Association internationale du transport aérien, qui était en mission en Thaïlande la semaine dernière.

Sa principale préoccupation concerne la capacité d'accueil de l'aéroport de Suvarnabhumi, à 30 km de Bangkok, prévu pour recevoir 30 millions de passagers par an à son ouverture. "L'actuel aéroport de Bangkok en reçoit déjà 32 millions, et d'ici l'ouverture, nous serons à 40 millions. Donc, le nouveau terminal sera déjà saturé"."L'aéroport doit absolument ouvrir avec deux pistes et il semble que cela ne sera pas prêt", s'inquiète également Warren Gerig, membre du Bureau des représentants des compagnies aériennes de Thaïlande, et directeur général d'United Airlines en Thaïlande. Si la première piste est effectivement en construction, la deuxième n'a pas été commencée.

Pour faire face à ce manque de capacité, la tentation sera grande pour Bangkok de conserver son aéroport de Don Muang, s'alarme Warren Gerig : "deux aéroports en même temps, ce serait une catastrophe, la fin du statut de plate-forme régionale de Bangkok".

Selon lui, cela entraînerait un énorme trafic de camions et voitures entre les deux aéroports, un surcoût pour les entreprises d'import/export, une perte de confort pour les passagers.

D'après l'expert, il faut procéder à la mise en place immédiate de la phase 2 de l'aéroport de Suvarnabhumi, qui prévoit une extension du terminal pour une capacité de 50 millions de passagers par an. "Il n'y a pas de budget prévu, alors que cela devrait déjà être fait".

Par ailleurs, la date d'ouverture annoncée pour début 2005, semble déjà compromise. "Je parierais que l'aéroport ne pourra pas ouvrir pour 2005", prédit David Inglis. Warren Gerig, lui, prévoit "fin 2006, début 2007".

Selon une étude de l'IATA, une année de retard pour l'ouverture de l'aéroport coûterait 50 millions de dollars en pertes de recettes touristiques pour la seule région de Bangkok. Et deux années 255 millions.

"Nous essaierons (de tenir les délais), déclare Phojana Simasathien, conseiller auprès du New Bangkok International Airport (NBIA), entreprise chargée de superviser la mise en place de l'aéroport, avant de reconnaître : "l'emploi du temps est très serré".

Phojana Simasathien répond sur le reste du projet : "le chiffre de 30 millions (de passagers par an) vient du moment où nous avons débuté le projet, il y a 9-10 ans. Nous cherchons à augmenter la capacité" (du terminal).

Concernant la deuxième piste, Phojana Simasathien affirme que "la construction débutera l'an prochain". Enfin, à propos du nombre d'aéroports, il tient à être clair : "il n'y (en) aura qu'un seul pour les vols commerciaux".

Le nouvel aéroport de Bangkok, qui devrait coûter 5 milliards de dollars, dont 40% pour l'aérogare, est l'un des projets thaïlandais qui a connu le plus de soubresauts.

Après des études de marché dans les années 1960 qui ne donnent rien, un terrain est finalement choisi en 1991. Le gouvernement donne son feu vert au projet en 1996, qui sera annulé par le gouvernement suivant, avant d'être relancé en 1998.

Mais l'ouverture la même année d'un nouvel aéroport à Kuala Lumpur et à Hong-Kong, ainsi qu'un troisième terminal prévu à Singapour, a avivé la compétition régionale.

"Pour la construction d'un aéroport, vous souhaiteriez 90% de technique et 10% de politique. Mais à Bangkok, c'est 99% de politique!", explique David Inglis. "J'ai oublié le nombre de présidents du NBIA que nous avons eus, j'ai oublié le nombre de personnes arrêtées pour corruption", s'amuse même Warren Gerig.

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