Alors que les groupes de BTP Vinci et Eiffage annoncent des résultats en hausse, des manifestants ont fait entendre leurs voix lors des assemblées générales afin de dénoncer la dégradation des conditions de travail, la sous-traitance abusive ou les salaires trop bas.

L'assemblée générale du groupe de BTP Vinci a été perturbée, ce mardi, par l'irruption de plusieurs manifestants qui entendaient dénoncer les mauvaises conditions de travail chez les sous-traitants, en France et à l'étranger. Ils souhaitaient alerter les participants sur des entorses aux lois du travail et sur les mauvais traitements réservés aux personnels intérimaires. La même scène s'est reproduite 24 heures plus tard, ce mercredi 17 avril, lors de l'assemblée générale des actionnaires d'un autre groupe de construction, Eiffage. Cette fois, plusieurs centaines de salariés se sont rassemblés afin de protester contre des salaires, jugés "misérables", contre la dégradation des conditions de travail et contre "la sous-traitance abusive".

 

Perte d'emplois au profit de la sous-traitance
"Depuis l'arrivée du nouveau p-dg fin août, Pierre Berger, il y a un changement radical de politique au détriment de l'emploi et des salaires. De plus, il n'y a plus de dialogue social", a déclaré à l'AFP, Gilles Letort, secrétaire CGT du comité d'entreprise européen d'Eiffage. "Les seuls objectifs de la direction sont l'enrichissement des actionnaires et la casse des acquis sociaux", a-t-il dénoncé, pointant également "des cadences infernales avec des moyens qui s'amenuisent de plus en plus". Philippe Luppo, coordinateur CFDT, évoque lui aussi des "conditions de travail exécrables, les chantiers sont sous pression. On perd des milliers d'emplois partout dans les cinq branches du groupe (construction, énergie, travaux publics, concessions et métal) malheureusement compensés par une augmentation de la sous-traitance". Ailleurs en France, d'autres rassemblements avaient été organisés, notamment à Millau (Aveyron) où 200 salariés d'Eiffage ont organisé une opération "péage gratuit" pendant une heure sur l'autoroute A75. Une centaine de grévistes ont également manifesté à l'entrée du chantier de la LGV Paris-Rennes en Ille-et-Villaine, filtrant la circulation automobile sur la RD178 entre Etrelles et Vitré.

 

Chez Vinci, Xavier Huillard, a pour sa part assuré que le groupe veillait à faire respecter le droit du travail sur ses chantiers : "En qualité d'entreprise à la fois côtée à la bourse de Paris et responsable (...), nous avons évidemment comme impératif de respecter de faon scrupuleuse les lois sociales et les réglementations de l'ensemble des pays dans lesquels nous nous trouvons. Nous avons des collaborateurs dédiés qui sont là pour veiller à ce que, sur nos chantiers, nos fournisseurs et nos sous-traitants respectent de façon intégrale les réglementations sociales, en matière de durée du travail et de salaire".

 

Des résultats en hausse pour les deux groupes de BTP
Ces mouvements sociaux agitent les groupes de BTP français au moment où ils publient des résultats satisfaisants. Eiffage a par exemple annoncé, pour 2012, un bénéfice net de 220 M€, en hausse de 7,3 % et table, pour 2013, sur une progression de son activité de 14 % à 14,2 Mrds €. Quant à Vinci, l'entreprise a dégagé un bénéfice net de 1,917 Mrds € (+0,7 %) et généré un chiffre d'affaires de 38,6 Mrds € en 2012 (+4,5 %). Pour l'année en cours, son p-dg s'est dit "serein et optimiste" pour l'activité à moyen terme. "Nos marché resteront tirés par les trois grands vecteurs de croissance que sont le développement de l'urbanisation, les déplacements des biens et des personnes, et la production, le transport et l'optimisation énergétique". Il a toutefois estimé que l'activité en France pourrait être "en légère baisse sur certains segments de marchés", notamment celui des collectivités locales. Le groupe anticipe également une baisse du trafic sur ses concessions d'autoroute mais sa branche travaux possède un carnet de commandes de "très bon niveau". Cela sera-t-il suffisant pour rassurer les employés mécontents ?

 

Eiffage condamné pour "entente"
Actualité chargée pour le groupe de BTP Eiffage qui a été condamné, ce mercredi 17 avril, par l'Autorité de la concurrence à 960.000 € d'amende pour entente, dans le cadre de l'obtention du marché de la reconstruction des miradors de la prison de Perpignan. La sanction a été majorée puisqu'il s'agissait d'une récidive, le groupe ayant déjà été sanctionné en 2005 et en 2007. De son côté, la société Vilmor Construction a écopé d'une amende de 5.000 €, diminuée en raison de son placement en redressement judiciaire. Les deux sociétés, seules en lice, avaient échangé des informations avant d'envoyer leurs réponses à l'appel d'offres. Cette concertation avait débouché sur l'attribution du marché à la filiale Eiffage Construction Roussillon en contrepartie d'une compensation financière pour Vilmor. Le géant du BTP avait alors payé un loyer 300 fois supérieur au prix du marché pour louer un terrain adjacent au chantier, appartenant à une SCI dont le dirigeant de Vilmor était l'un des associés. Des pratiques qui auraient "faussé la concurrence" et porté "atteinte aux deniers publics", puisque le maître d'ouvrage - la direction régionale des services pénitentiaires de Toulouse - avait été trompée sur l'existence et l'intensité de la concurrence entre les deux entreprises. Le marché était estimé, en 2008, à 660.000 €.

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