CULTURE. Une galerie parisienne consacre une exposition à la maille métallique, un matériau inventé par l'agence d'architecture de Dominique Perrault. Cette installation accompagne la sortie d'un livre dédié à l'histoire et l'innovation de cette matière noble.

Au cœur du VIe arrondissement de Paris, la galerie Jousse Entreprise célèbre le mobilier d'exception. Sa nouvelle exposition, La maille en compagnie, visible jusqu'au 12 juillet 2025, met en avant plusieurs pièces de mobilier d'architectes et de designers célèbres, dont Le Corbusier, Dominique Perrault, Jean Prouvé, Charlotte Perriand ou encore Philippe Starck.

 

L'installation a été pensée par l'architecte d'intérieur, designer et scénographe Gaëlle Lauriot-Prévost pour accompagner l'ouvrage Maille métallique : l'histoire d'un tissage, publié en juin aux éditions Gallimard, qu'elle a co-signé avec Dominique Perrault. Imaginé comme une encyclopédie, ce livre de plus de 2.300 pages, divisé en deux volumes, revient sur l'invention de la maille métallique comme matériau innovant en architecture, qu'elle soit spiralée, tressée, tricotée, ou d'acier, d'aluminium, de bronze, et de cuivre.

 

Pour l'illustrer, une exposition a été imaginée. On y retrouve notamment des luminaires conçus pour la Bibliothèque nationale de France (BnF), un projet de Dominique Perrault qui a, avec Gaëlle Lauriot-Prévost, déployé pour la première fois de la maille métallique dans un bâtiment. Dans cette même galerie de mobilier contemporain, des paravents en maille métallique, réalisés pour La Cité Radieuse du ballet national de Marseille, sont exposés.

 

Un matériau aux nombreuses vertus

 

"La maille métallique est un matériau solide qui possède de nombreuses qualités. Il prend presque toutes les formes et peut se travailler en grande dimension. Il est pérenne, ne s'use pas, témoigne Gaëlle Lauriot-Prévost, à Batiactu, lors d'une visite le 12 juin dernier. On peut l'accrocher, le suspendre, le tendre. Évidemment, le poids peut représenter une contrainte, quand on utilise, par exemple, de la maille en inox plutôt que de l'aluminium." L'aluminium, au contraire, réputé plus souple, peut se déformer. "Nous le mettons alors en œuvre suspendu, dans des zones inaccessibles."

 

Dans la galerie Jousse, la maille se marie élégamment aux pièces présentées - une table, un lit, ou encore un bureau. "Son côté intemporel se fond dans toutes les époques et typologies de design. C'est aussi un matériau vivant, qui reflète la lumière et les couleurs d'une pièce, et offre une meilleure lecture des volumes. Pour les architectes, c'est un matériau de rêve", affirme la commissaire de l'exposition, également directrice artistique et designer au sein du cabinet Dominique Perrault Architecture.

 

Exposition maille en compagnie
Des luminaires conçus pour la Bibliothèque nationale de France et des paravents en maille métallique, réalisés pour La Cité Radieuse du ballet national de Marseille, sont exposés. © Orféo Mandin

 

Dans la gare Villejuif-Gustave Roussy du Grand Paris Express, en Seine-et-Marne, ouverte en janvier, de la maille spiralée a été choisie. "En toiture, l'inox a été plié et le grand fut, en aluminium, est simplement suspendu", poursuit l'architecte d'intérieur. La mise en œuvre de ces matériaux est toujours accompagnée de l'entreprise qui les a tissés. "Même si cela fait 30 ans que nous l'utilisons, il reste un matériau assez neuf pour les entreprises de construction sur les chantiers."

 

Plusieurs sociétés de tissage collaborent régulièrement avec l'agence d'architecture, dont le groupe allemand GKD. "Cela a été nouveau, pour lui, de travailler cette matière et cela l'intéressait de mener cette recherche avec l'agence", raconte Gaëlle Lauriot-Prévost.

 

La maille métallique est aussi présente dans les tours du Pont de Sèvres, rebaptisées Citylights après avoir été entièrement restructurées. Livrés en 2016 à Boulogne-Billancourt, ces immeubles possèdent de grands escaliers. "Le garde-corps a été pensé avec de la maille métallique spiralée et tendue", rappelle-t-elle.

 

Livre maille métallique Dominique Perrault
L'ouvrage "Maille métallique : histoire d'un tissage", publié en juin aux éditions Gallimard. © Rémi Taulemesse

 

De nombreuses découvertes

 

En trente ans d'innovation, les techniques de tissage ont eu le temps de se développer. Désormais, GKD est capable de peindre les fils métalliques. "Il est aussi possible de mélanger des matériaux entre eux, ou encore de réaliser des formes complexes." Ainsi, l'agence d'architecture a pu réaliser une couverture mobile convexe, tendue entre le toit et les gradins du centre sportif Suzanne Lenglen, dans le XVe arrondissement de Paris. "C'est tout un travail de géométrie. On découvre toujours de nouvelles choses, de nouveaux usages, de nouvelles manières de l'utiliser. On ne s'ennuie pas", sourit Gaëlle Lauriot-Prévost.

 

C'est ce que raconte notamment le livre Maille métallique, "une encyclopédie en deux volumes qui présente tous les projets (d'architecture, d'architecture d'intérieur et de design) en maille que nous avons développé depuis la BnF". Les textes sont volontairement séparés des illustrations, et se lisent de plusieurs manières.

 

"C'est un livre de collectionneurs", reconnaît toutefois la professionnelle, pour justifier du prix de vente (350 euros). L'écriture de l'ouvrage lui aura pris deux ans, la conduisant à se plonger dans les archives de l'agence. "Ce travail nous a permis de voir ce que nous avions fait et ce que nous allions transmettre. L'objectif est que ce savoir-faire soit réutilisé par d'autres architectes. Nous pensons que ce matériau a de l'avenir."

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