Plusieurs associations ont déposé une requête en annulation auprès du Conseil d'Etat contre le décret "logements décents" d'application de la loi de Transition énergétique. Reprochant un texte flou impossible à appliquer, elles réclament une concertation avec le gouvernement qui jusque-là fait la sourde oreille. Eclaircissements avec Romain Riollet du CLER - Réseau pour la transition énergétique.

Les associations comme la Fondation Abbé Pierre, France Nature Environnement, l'UFC-Que Choisir et le CLER - Réseau pour la transition énergétique, sont déçues par le décret d'application de la loi de Transition énergétique (n° 2017-312 du 9 mars 2017) portant sur "le critère de performance énergétique minimale à respecter" pour qu'un logement soit considéré comme décent. A tel point qu'elles ont déposé une requête en annulation du texte auprès du Conseil d'Etat.

 

Romain Riollet, responsable des projets Efficacité énergétique au CLER, nous explique : "Un recours gracieux avait été adressé au nouveau Premier ministre au mois de mai dernier, recours qui est resté sans réponse, ce que nous regrettons. Mais nous souhaitons poursuivre les discussions avec ce gouvernement et notamment avec Nicolas Hulot puisque sa fondation avait appuyé nos propositions. Le but c'est l'amélioration du texte". Car, pour l'heure, les associations estiment que le décret est impossible à appliquer et qu'il ne prévoit pas d'augmentation des performances des logements dans le temps. Selon Romain Riollet, "les critères choisis ne sortiront pas les logements du statut de passoires : calfeutrer portes et fenêtres ne suffira pas et ne résoudra en rien la situation de précarité énergétique des occupants". Les associations préconisent un accompagnement adapté aux locataires et aux propriétaires. Ces derniers estiment d'ailleurs qu'on leur fait trop d'exigences par rapport à ces critères de décence qui risquent de réduire finalement le nombre de logements disponibles à la location. Un faux procès selon le CLER qui fait valoir que ces exigences ne bouleverseront pas l'offre locative mais qu'elles feront évoluer sa qualité. "Il faut remettre la précarité énergétique au cœur des préoccupations", martèle le responsable des projets Efficacité énergétique, "le texte actuel ne protège personne finalement, ni les locataires, ni les propriétaires qui sont dans l'incertitude de pouvoir louer leur bien".

 

Préciser combien de kWh/m²/an atteindre et quand

 

 

En mars 2017 déjà, peu de temps après la publication du décret d'application, le CLER avait formulé une proposition alternative. Cette dernière mentionnait deux étapes calendaires et deux niveaux de performance à atteindre pour les logements mis en location : "A partir de 2020, si le logement est situé en France métropolitaine, sa consommation en énergie primaire ne devra pas être supérieure à 450 kWh/m²/an. A partir de 2025 [elle] ne devra pas être supérieure à 330 kWh/m²/an". Ce niveau correspond à celui prévu par d'autres réglementations relatives à la performance des logements (notamment le décret du 26 décembre 2014 pour le logement social mis en vente). Un bilan aurait été réalisé en 2026, afin d'évaluer l'impact de ces mesures, amenant peut-être à la publication d'un décret complémentaire qui aurait précisé la suite du calendrier. Car, selon Romain Riollet, la France est déjà en retard sur ses objectifs. "Il faut réorienter les aides vers les besoins", assène-t-il, évoquant les dispositifs déjà existants comme le CITE, en ce moment en pleine tourmente. Le responsable des projets Efficacité énergétique note : "La concentration des aides sur ce qui est le plus efficace est une bonne chose, et il faut la soutenir, pour éviter que n'en profitent ceux qui n'en ont pas besoin".

 

Mais quelle sera la suite de la requête en annulation ? D'après le spécialiste du CLER, la procédure comportant une réponse du Conseil d'Etat, puis des échanges et de possibles apports d'éléments complémentaires, prendra entre 18 et 24 mois. Période qui devrait être mise à profit pour reprendre la discussion avec les ministères, au travers de la DHUP, toujours dans l'optique de rendre plus cohérents et efficaces les textes de réglementation. "La requête n'est pas de nature à suspendre le décret. La loi va donc continuer à s'appliquer. Mais il faut qu'elle évolue", conclut Romain Riollet.

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