Le Conseil représentatif des associations noires de France (Cran) assigne l'Etat et trois entreprises descendantes de la Société de construction des Batignolles, dont Spie-Batignolles, pour "crime contre l'humanité". Il leur est reproché d'avoir fait appel à de la main d'œuvre forcée dans les années 1920 pour construire une ligne ferroviaire au Congo, causant la mort de milliers d'indigènes.

La loi Taubira de 2001 qualifie l'esclavage de crime contre l'humanité, un crime imprescriptible. Se basant sur l'idée que le travail forcé était "de l'esclavage déguisé", le Cran vient d'assigner l'Etat et trois entités issues de la Société de construction des Batignolles : Spie, Spie-Batignolles et Clayax Acquisitions, pour leur participation au chantier de la ligne ferroviaire Congo-Océan il y a 90 ans. L'historien Olivier Le Cour Grandmaison explique à l'AFP : "Des civils ont été embarqués de force pour alimenter les chantiers. Au moins 17.000 indigènes sont morts en raison des conditions de transport et de travail". Un chiffre qui avait été avancé par le journaliste Albert Londres dans "Terre d'ébène" dès 1928.

 

Mise en place d'une politique de réparation
L'association, qui milite pour obtenir des réparations des descendants d'esclaves ou de forçats, a donc engagé une action au civil devant le tribunal de grande instance de Pontoise. Elle demande au président du TGI de nommer un collège d'experts judiciaires afin d'évaluer l'ampleur du préjudice matériel et moral subi. Elle demande également que les sociétés financent des recherches généalogiques afin de retrouver les futurs bénéficiaires d'un fonds d'indemnisation des victimes africaine de l'Afrique Occidentale Française et de l'Afrique Equatoriale Française. Enfin le Cran souhaite "que la France et les entreprises concernées mettent en place une politique de réparation en construisant notamment un musée du Congo-Océan, des écoles, des hôpitaux et des infrastructures dans tous les villages d'Afrique qui ont été saignés à blanc pendant toute cette période", écrit Louis-Georges Tin, le président de l'association. Contactée, l'entreprise Spie n'a pas souhaité commenter l'assignation, tandis que Spie-Batignolles restait injoignable.

 

Au mois de mai 2013, une action avait déjà été lancée contre l'Etat et la Caisse des Dépôts & Consignations qui étaient accusés par le Cran de s'être enrichis grâce à la traite négrière. Le dossier a, depuis, été retiré.

 

La ligne de chemin de fer Congo-Océan :
Ligne ferroviaire de la République du Congo relie la capitale Brazzaville au port de Pointe-Noire sur la façade Atlantique, à 510 km de distance. Sa réalisation fut entreprise par la Société de construction des Batignolles à partir de juillet 1922, notamment sous l'impulsion du gouverneur général Victor Augagneur, et de son successeur, Raphaël Antonetti. Recourant au travail forcé des populations locales, la ligne est qualifiée "d'effroyable consommateur de vie humaines" par André Gide dans son livre "Voyage au Congo". Le ministre des Colonies, André Maginot, estime devant une commission de la Chambre des députés, que la mortalité atteindrait 57 % des effectifs sur ce chantier. Au mois de juin 1930, la France, la Belgique et le Portugal refusent de signer une convention internationale d'interdiction des travaux forcés élaborée par le Bureau international du travail. La ligne Congo-Océan est entrée en service en juillet 1934. Elle est toujours exploitée à ce jour.

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