Crise financière, Loi de Finances, projets Borloo et Boutin, rôle des banques, délais de paiement, dialogue social… Jean Lardin revient sur tous les événements qui ont marqué cette année 2008. L’occasion de dresser un bilan au 3e trimestre et d’évoquer les difficultés que va connaître l’année 2009. Interview.

Batiactu : Vous venez de publier votre note de conjoncture, quel est le bilan ?

Jean Lardin : Nous avons une confirmation du repli de l’activité dans le neuf (égale à zéro). La bonne surprise vient de l’entretien-réhabilitation (+0.5%), qui sauve les meubles. Cela conduira à un atterrissage, en fin d’année, sans trop de dommage. En revanche, nos craintes sont réelles pour l’année 2009. Sauf retournement spectaculaire de la situation, et je ne vois pas comment cela pourrait se faire, mais l’année à venir sera une année difficile pour le secteur du bâtiment, avec la tension sur le neuf que l’on a actuellement qui va persister et la difficulté que l’on aura à stimuler la demande des ménages. Même si la décision prise ce week-end par les chefs de gouvernement de l’Union européenne est plutôt prometteuse, pour nous, c’est le début du rétablissement de la confiance. Sans s’emballer et sans trop rêver, nous pouvons travailler à reconstruire la confiance de nos compatriotes et commencer à envisager une reprise des commandes des ménages.



Batiactu : Vous ne pensez pas que les budgets prévus par le PLF seront réduits avec l’annonce du sauvetage des banques ?

J. L. : C’est là qu’est toute la difficulté. Nous ne sommes qu’en octobre, et concernant la Loi de Finances, nous n’avons que des projets. Et bien malin celui qui peut dire à ce jour ce qui sera voté en fin d’année et quels seront les moyens mis par l’Etat à la disposition des consommateurs et des professionnels du bâtiment pour envisager le niveau d’activité susceptible d’être celui de l’année 2009. Il faut peu de chose pour créer la défiance, il faut beaucoup ramer pour construire la confiance. Mais depuis dimanche, on commence à ramer dans le bon sens, et nous allons ramer avec le gouvernement.



Batiactu : Comment cela va-t-il se concrétiser au niveau de la Capeb ?

J. L. : Pour l’instant, nous sommes en train d’accompagner nos entreprises à vivre les moments difficiles de cette fin d’année. Pour ce qui est de 2009, nous accompagnons les décisions que prendra le gouvernement. Nous sommes ainsi des bons supporters de Jean-Louis Borloo lorsqu’il défend l’idée d’un prêt à taux zéro (PTZ) à hauteur de 30.000 € pour améliorer la performance énergétique. Donc, pour le moment, on l’aide à sanctuariser le financement de cette mesure. Plus nous allons nous rapprocher du mode d’emploi, plus on va rentrer dans les détails et lui faire les suggestions utiles qui permettront à un maximum de consommateurs de pouvoir bénéficier de ce dispositif et aux entreprises de réaliser les travaux sur lesquels vont s’engager les demandeurs du prêt. Sinon, on prend le risque d’avoir un bon affichage et peu de consommation derrière. Nous avons donc des propositions à faire notamment sur la durée de remboursement, que nous aimerions voir étalée entre 8 et 10 ans de façon à permettre aux consommateurs d’amortir le remboursement d’un prêt à 30.000 €. Egalement bien déterminer le délai de réalisation des travaux, de façon à ce que par une compression trop forte on n’interdise pas la réalisation effective des travaux. En résumé, donnons du temps pour rembourser et du temps pour la réalisation des travaux. Ce temps, il faudra le contractualiser pour qu’on ne perde pas l’esprit du dispositif.



Batiactu : Quid du logement et des propositions de Mme Boutin ?

J. L. : Pour moi, Boutin et Borloo sont des ministres d’un même gouvernement. Il n’y pas un gagnant et un perdant. Pour des activités qui sont les mêmes, liées au logement et au bâtiment, vous avez deux projets qui, de mon point de vue, peuvent être complémentaires et que l’on veut rendre concurrent ! Je ne suis pas plus supporter de l’un que de l’autre, je suis pour construire davantage et construire mieux. A mes yeux, la seule concurrence entre les deux projets est celle qui va se faire au niveau des arbitrages. Si le budget de l’Etat le permettait, les projets de l’un et de l’autre se feraient concomitamment.



Batiactu : Toutefois, le projet de Christine Boutin arrive au Sénat quelque peu en lambeaux…

J. L. : Oui, mais n’oubliez pas qu’on vient de passer un mois de crise financière.



Batiactu : Pierre Martin (UPA) déclarait lundi que «l’artisanat n’est pas encore frappé de manière trop dure par les effets de la crise financière». Partagez-vous cette opinion ?

J. L. : Il a donné les premiers éléments d’une note de conjoncture sur le 3e trimestre, qui a été marqué par une grave crise financière. Si l’on revient quinze jours en arrière, on parlait de crise financière et on se demandait si elle serait accompagnée d’une crise économique. Ce que disait Pierre Martin, c’est que globalement pour l’artisanat, nous n’étions pas encore en crise économique. Mais tout le monde sait aujourd’hui que la crise financière s’accompagne de la crise économique. Si ce n’était pas trop visible pour les petites entreprises, c’est qu’elles ne sont pas aussi exposées à la bulle financière que peuvent l’être les entreprises du CAC 40. Mais les propos de Pierre Martin n’ont rien d’incohérent avec ce que nous disons. Dans le bâtiment, nous avons des tensions sur le neuf, mais la relation avec le client reste solide. Pour combien de temps, on verra en fin d’année quel sera notre atterrissage, mais pour l’instant, ça tient encore ! Par les temps qui courent, où tout prend l’air de tout côté, il est intéressant de voir que ce que je nomme l’économie réelle ou de proximité passe moins difficilement ces moments perturbés.



Batiactu : Justement, où en sont les carnets de commande actuellement ?

J. L. : Pour le neuf, ils se réalimentent très mal car les engagements à la fois sur les permis de construire et l’ouverture des chantiers sont réels. Pour l’entretien-réhabilitation, ils se sont un peu rétrécis, mais nous observons une moyenne qui tourne autour de 6 mois de travaux d’avance (contre 7 à 8 mois jusqu’alors). Ce qui n’est pas si mal vu les circonstances ! En revanche, en ce mois d’octobre –tant dans le neuf que dans la réhabilitation - nous avons pris peu de commandes de la part de la clientèle, d’où mon souci pour 2009.



Batiactu : Les banques ont eu un rôle important dans cette crise. Quel peut être l’impact des durcissements pris envers le consommateur ?

J. L. : Actuellement, le client n’a même pas besoin d’étudier l’attitude des banques pour se dire qu’il vaut mieux épargner et peut-être reporter les travaux qu’il envisageait. Ce qui manque aux banques, c’est de la trésorerie et elles ont donc durci les conditions d’accès au crédit pour le particulier et pour les entreprises, et ont également durci le coût du crédit. Il y a une double action : d’un côté, il faut montrer patte blanche et fournir des garanties pour ne pas prendre de risque - alors que les risques elles ont en pris en jouant au Monopoly ! D’un autre côté, ces banques augmentent le coût des crédits. L’impact est terrible : ceux qui avaient des projets de rénovation vont être freinés ; effet négatif aussi pour les entreprises, qui travaillent beaucoup avec leurs fonds propres, d’où des difficultés à renouveler les outils de travail, par exemple. Les banques vont essayer de se refaire une santé et de la trésorerie sur la clientèle. La bonne nouvelle, c’est que la décision prise dimanche par les chefs d’Etat va permettre aux banques de continuer de faire leur métier sans se couper de leur client, car la grande décision c’est de garantir. Mais elles ont de la chance que les gouvernements les garantissent comme cela, il y en a d’autres qui aimeraient avoir les mêmes garanties…

Retrouvez dès demain la suite de l'interview de Jean Lardin.

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