L'autorité européenne de la concurrence a annoncé, ce lundi, avoir ouvert une enquête "approfondie" à l'encontre du groupe GDF Suez, devenu Engie, concernant deux montages financiers qui pourraient lui avoir permis de minorer son imposition au Luxembourg, en accord avec les autorités locales. Précisions.

Une affaire qui pourrait être embarrassante pour le groupe GDF Suez, devenu Engie. La compagnie d'électricité française aurait-elle bénéficié d'avantages fiscaux indus de la part du Luxembourg ? Lundi 19 septembre, l'autorité européenne de la concurrence a annoncé l'ouverture d'une enquête approfondie sur des accords conclus entre le Luxembourg et le groupe français.

 

Tout en précisant que la "Commission européenne entend déterminer, en particulier, si les autorités fiscales luxembourgeoises ont dérogé de façon sélective à des dispositions de la législation fiscale nationale dans des décisions fiscales anticipatives adressées à GDF Suez", souligne-t-elle dans un communiqué, daté du 19 septembre 2016.

 

Aides à l\'Etat : la Commission européenne sur le traitement fiscal accordé par le Luxembourg à GDF Suez devenu Engie
Infographie détaillée par la Commission européenne et liée aux aides à l'Etat : la Commission européenne sur le traitement fiscal accordé par le Luxembourg à GDF Suez devenu Engie. © Commission européenne

Deux transactions financières dans le viseur

 

Cette procédure concerne donc deux transactions financières, dites aussi "Rulings" réalisées en 2009 et 2011, entre différentes sociétés de GDF Suez qui auraient fait l'objet, de la part des autorités fiscales luxembourgeoises, de décisions fiscales anticipatives. Le premier de ces emprunts convertibles aurait été accordé en 2009 par LNG Luxembourg (le prêteur) à GDF Suez LNG Supply (l'emprunteur); le second l'a été en 2011, par Electrabel Invest Luxembourg (le prêteur) à GDF Suez Treasury Management (l'emprunteur).

 

En détails, ce serait le Luxembourg, qui depuis septembre 2008, aurait émis plusieurs décisions fiscales concernant le traitement fiscal de deux transactions financières similaires effectuées entre quatre sociétés du groupe GDF Suez, toutes basées au Luxembourg. "Ces transactions financières sont des emprunts convertibles en actions pour lesquels le prêteur ne perçoit aucun intérêt, indique la Commission européenne.

 

"Les transactions financières peuvent être imposées de différentes manières, en fonction de leur nature - emprunt ou prise de participation - mais une même entreprise ne peut pas gagner sur les deux tableaux pour une seule et même transaction", a déclaré la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, dans le même communiqué.

 

À ce stade, la Commission européenne est claire sur ce sujet : elle estime que le traitement avalisé dans les décisions fiscales anticipatives a permis à GDF Suez de bénéficier d'avantages fiscaux auxquels ne peuvent pas prétendre d'autres sociétés soumises aux mêmes règles fiscales nationales au Luxembourg.

 

L'organisme bruxellois constate donc qu'une "même transaction est donc traitée de façon incohérente sur le plan fiscal." D'un côté, les emprunteurs peuvent constituer des provisions pour les intérêts dus aux prêteurs (Ndlr : transactions traitées comme des emprunts) alors que de l'autre, les revenus perçus par les prêteurs sont considérés comme une rémunération de capital similaire à un dividende versé par les emprunteurs (Ndlr : transactions traitées comme des prises de participation).

 

"C'est pourquoi, nous allons examiner attentivement les décisions fiscales anticipatives émises par le Luxembourg en faveur de GDF Suez, insiste Margrethe Vestager. Elles semblent être en contradiction avec les règles d'imposition nationales et permettre à GDF Suez de payer moins d'impôts que d'autres sociétés."

 

Ce traitement fiscal entraînera de toute évidence, précise l'instance européenne, une "double non-imposition", du côté des prêteurs et des emprunteurs, de bénéfices générés au Luxembourg. "Cela est dû au fait que les emprunteurs peuvent réduire sensiblement leurs bénéfices imposables au Luxembourg en déduisant à titre de dépenses les intérêts débiteurs (provisionnés) générés par la transaction. De leur côté, les prêteurs échappent à l'imposition des bénéfices qu'ils tirent des transactions, parce que les règles fiscales du Luxembourg exonèrent de toute imposition les revenus générés par les prises de participation", complète la Commission.

 

Au final, il semble qu'une part significative des bénéfices, enregistrés par GDF Suez au Luxembourg par l'intermédiaire de ces deux montages, ne soit pas imposée du tout.

 

Le Luxembourg précise qu'il travaillera avec Bruxelles

 

De son côté, le ministère luxembourgeois des Finances a affirmé "qu'aucun traitement fiscal particulier ou avantage sélectif n'a été octroyé à des sociétés du groupe Engie au Luxembourg", et promet de fournir "toutes les informations requises par la Commission."

 

Le ministre de l'Economie et des Finances, Michel Sapin s'empare du dossier

 

Enfin, le ministre de l'Economie et des Finances, Michel Sapin, a demandé à l'Agence des participations de l'Etat (APE) de regarder "si les entreprises relevant du périmètre du groupe électricien, propriété de l'Etat à hauteur de 33 %, ont conclu de tels accords fiscaux avec des Etats de l'Union européenne, en particulier avec le Grand-Duché" a révélé le journal Le Monde. Une information confirmée par Bercy.

 

Interrogé par Batiactu, ce mardi 20 septembre, le groupe Engie ne souhaite faire "aucun commentaire à ce stade du dossier."

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