Importants partenaires économiques, la France et l'Allemagne ont vécu une décennie divergente en termes de marché du BTP. Pourtant, les deux pays présentent des similitudes par le nombre d'entreprises dans ce secteur, et de dégradation de leur rentabilité suite à la crise. Le cabinet Euler Hermes, qui a comparé les situations dans une étude sur les marchés du BTP dans les deux pays, estime que la sinistralité de ces entreprises va encore augmenter d'ici à 2011. Explications.

Quelle sera la situation du BTP en France et en Allemagne dans les deux années à venir ? Le réseau d'assurance-crédit Euler Hermes vient de publier une étude examinant les perspectives du secteur dans ces deux grands partenaires économiques. L'étude, qui anticipe les grands mouvements sur le marché du BTP pour 2010 et 2011, envisage une dégradation de la solvabilité et de la sinistralité des entreprises de ce secteur pour cette période. Si les deux pays ont en commun d'avoir un nombre d'entreprises comparables (326.000 en France et 330.000 en Allemagne), leurs marchés respectifs diffèrent pourtant sur plusieurs points. Pourtant, l'étude indique que chacun de ces pays verra la rentabilité de ses entreprises se dégrader au moins jusqu'à fin 2011.

 

Deux pays, deux dynamiques
Les deux pays ont en commun d'avoir connu chacun une bulle immobilière, mais à dix ans d'intervalle et pour des raisons différentes. En Allemagne, le phénomène s'est produit au début des années 1990, suite à la réunification qui a engendré une forte demande de logements, et une augmentation des permis de construire de 83% entre 1991 et 1995. En France, la bulle s'est déroulée entre 2003 et 2007, faisant apparaitre une hausse de 76% des permis délivrés.

 

Si les deux pays observent désormais une stabilisation du marché, là encore, les raisons ne sont pas les mêmes : «Pour la France, elle résulte du dégonflement de la bulle, alors qu'en Allemagne, la stabilisation à bas niveau résulte de son évolution démographique», indique Didier Moizo, analyste sectoriel chez Euler Hermes. Ces dynamiques influent directement sur les prix des logements, avec des prix multipliés par deux en France entre 2000 et 2007, alors qu'ils sont restés stables outre-Rhin. Par ailleurs, le prix modéré des loyers en Allemagne n'incite pas particulièrement à devenir propriétaire : 43% des ménages sont propriétaires de leur maison outre-Rhin, contre 58% en France. Tout cela dans un contexte de hausse du chômage et de l'endettement des deux côtés du Rhin qui, malgré des taux d'intérêt historiquement bas, n'incite pas à l'investissement immobilier. D'autant moins que la crise n'a pas entrainé en France la baisse du foncier, qui représente toujours 35% du prix d'une construction neuve, et même 50% dans les régions Paca et Ile-de-France.

 

A ces facteurs s'ajoute la structure des marchés du BTP dans les deux pays. En effet, si la France compte plusieurs entreprises parmi les plus gros du secteur à l'échelle mondiale (Vinci, Bouygues, Eiffage), ces majors ne sont que les arbres qui cachent la forêt car le marché français du BTP est en réalité composé de quelques gros acteurs et d'une multitude de petits, d'où un chiffre d'affaires moyen de 495.000 euros en France ; en revanche, l'Allemagne, avec un nombre important d'entreprises moyennes, arrive à un chiffre d'affaires moyen de 740.000 euros. De plus, ces entreprises, par leur taille, sont un peu plus robustes devant la crise que les PME vite fragilisées.

 

Garder le personnel qualifié
Dans un contexte de crise et de faible volume d'activité, les entreprises des deux pays ont dû sacrifier leurs marges et casser les prix pour gagner des marchés. Ce phénomène se ressent tout logiquement sur les chiffres d'affaires avec des prévisions de -3% en 2010 et 0% en 2011 pour la France et de -2% en 2010 et +0,5% en 2011 en Allemagne. La rentabilité des entreprises sera aussi impactée : -30% (2010%) et -9% (2011) pour la France, et -20% (2010) et -4% (2011) pour l'Allemagne. Il faut aussi compter avec la hausse du prix des matières premières, et les frais de personnel qui, s'ils restent à peu près stables, ne baissent pas forcément à mesure que baisse le volume. Nicolas de Buttet, arbitre responsable de la branche BTP d'Euler Hermes SFAC, explique cette situation : «En France, les entreprises ont privilégié le fait de garder de la main d'œuvre qualifiée. Elles se souviennent, suite à de précédentes périodes de faible volume, qu'il est difficile de retrouver du personnel qualifié après s'en être séparé. D'autant que dans un contexte de forte demande, elles ont déjà eu du mal à conserver ces employés au cours des dernières années à cause d'une forte concurrence». Si la rentabilité des entreprises a également baissé en Allemagne, il n'y a pas eu, dans ce pays, de pression sur la main d'œuvre qualifiée.

 

Et si les travaux publics pouvaient tirer l'activité du secteur par le haut, via les programmes d'infrastructures des plans de relance nationaux ? Selon Euler Hermes, les TP seront peut-être un relais de croissance en Allemagne, où seuls 2,5 milliards d'euros sur les 7,5 prévus ont été engagés ; en revanche, la France, qui avait prévu 4 milliards d'euros, en a déjà injecté 2,5 à fin 2009, il ne reste donc plus que 1,5 milliard disponible. En conséquence, «nous attendons un ralentissement du secteur des travaux publics en France», explique Didier Moizo, alors que la baisse ne devrait se faire ressentir qu'en 2011 en Allemagne.

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