Alors que la France est encore complètement abasourdie par le choc du 1er tour des élections présidentielle, une controverse sur la construction de tours au coeur de Vienne - vivement contestée par l'extrême droite autrichienne - nous rappelle les incidences de la politique sur l'architecture.

Vienne, une ville baroque classée "patrimoine culturel mondial" par l'UNESCO, résiste souvent aux innovations, et est régulièrement secouée par des querelles des anciens et des modernes. Or avec la montée de l'extrême droite dans les cercles du pouvoir, cette tendance au conservatisme n'a fait que s'accentuer.

Ainsi, la dernière controverse du moment concerne le projet des frères Ortner. En plein coeur de Vienne, le projet du célèbre duo doit s'étendre sur 80.000 m2 d'ici 2007. Il surmontera une gare de métro - la plus importante d'Autriche avec une fréquentation de 110.000 voyageurs par jour - et comprendra des magasins, des restaurants, des bureaux et des hôtels.

Estimé à quelque 300 millions d'euros, ce projet comptera surtout quatre tours, dont l'une de 96 mètres de hauteur, dans une ville où les gratte-ciel sont rares. Les trois autres ont été ramenées par les architectes à 80 mètres à la suite des protestations d'habitants - une pétition a recueilli 10.000 signatures - et du parti d'extrême droite FPOe de Joerg Haider qui voudrait encore les ramener à moins de 65 mètres.

Les responsables de la municipalité socialiste soulèvent "l'attractivité" d'un complexe qui doit se substituer à des bâtiments en béton dont la laideur fait l'unanimité. Mais les détracteurs du projet rejettent sa trop grande modernité à quelques dizaines de mètres des monuments baroques et gothiques de la vieille ville.

Pour le FPOe, le projet est une "construction monstrueuse, un scandale et une honte". De plus, affirme Heinz-Christian Strache, député FPOe à la diète de Vienne, "le complexe est trop grand, il augmentera le trafic de 7.000 voitures par jour de plus dans le quartier et aggravera la pollution".

Certains architectes, comme Gustav Peichl, un des plus connus d'Autriche, émettent aussi des réserves sur le projet. "Il ne s'agit pas de l'empêcher mais de l'améliorer. Cela doit être possible par une réduction des masses de construction" en béton, estime-t-il.

Le FPOe craint que l'UNESCO ne retire le centre-ville de Vienne de la liste du patrimoine de l'humanité, où elle l'a placée en décembre 2001. "Ces peurs ne sont pas fondées", rétorque le conseiller municipal Rudolf Schicker, l'un des responsables de la construction du complexe à la municipalité."Ce projet était connu à l'UNESCO" puisqu'il est en discussion depuis plus de dix ans et "l'UNESCO n'a pas avancé de conditions pour conférer son titre à Vienne", a-t-il dit. "Empêcher ce projet serait un acte d'arbitraire", soutient M. Schicker.

En dépit de la controverse, les travaux de construction doivent démarrer à la fin de l'année, après la dernière des autorisations de construction attendue en automne.


Les frères Ortner, abonnés aux polémiques

Le complexe a été conçu par les frères Manfred et Laurids Ortner, les architectes à l'origine du "Quartier des Musées" jadis également très controversé et critiqué par le FPOe.

Ce complexe de musées d'art moderne, installé dans les anciennes écuries impériales qui jouxtent le centre historique, avait suscité une longue controverse et les plans avaient dû être revus sous la pression du FPOe.

Pourtant, dès l'inauguration en 2001, la critique, autrichienne et étrangère, a bien accueilli ce premier centre de musées modernes à Vienne où sont exposées des oeuvres contemporaines et la plus riche collection de Egon Schiele et de Gustav Klimt.

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