CONJONCTURE. Dans un marché de l'immobilier "à l'arrêt", les courtiers demandent des mesures de soutien, pour ne pas bloquer totalement le système. Car même si les taux sont pour l'instant restés bas, certaines banques indiquant qu'elles ne sont "plus en mesure de traiter les demandes". L'immobilier, valeur refuge, devrait connaître, en fin de crise, un "rattrapage".

Après les annonces de la semaine dernière et de ce début de semaine, Vousfinancer estime que "le marché immobilier est à l'arrêt". Contactée par Batiactu, Sandrine Allonier, porte-parole du réseau de courtiers en crédit, explique : "c'est un marché psychologique, donc les transactions connaîtront nécessairement une baisse". Dans une situation aussi "inédite", toute prévision précise est cependant "impossible".

 

La porte-parole indique avoir reçu des messages d'établissements bancaires indiquant qu'ils ne sont "plus en capacité de recevoir et traiter les dossiers de prêts immobiliers" et demandant de "ne plus [...] envoyer de dossier". "Tous les dossiers à compter du 16 mars ne seront plus traités", ont prévenu, d'après les informations transmises par Vousfinancer, certaines banques. D'autres "continuent heureusement de prendre nos dossiers", fait savoir Sandrine Allonier. "Nous conseillons donc à ceux qui signent actuellement des compromis de vente d'allonger le délai des conditions suspensives sur l'obtention du prêt à 60 jours", ajoute-t-elle. Quant à ceux qui sont en cours de renégociation de prêt, "ils pourraient aussi voir les délais s'allonger, car les financements de transactions sont prioritaires".

 

Les taux resteront-ils bas ?

 

Concernant les taux de crédit, Sandrine Allonier explique que grâce aux "mesures exceptionnelles [prises par la Banque centrale européenne] destinées à assurer la liquidité des marchés financiers et encourager les prêts aux entreprises et particuliers, il n'y a pas de raisons que les banques ferment le robinet du crédit". "Même si l'épidémie devait durer et la chute des valeurs boursières des banques se poursuivre, la BCE a décidé d'alléger temporairement certaines des obligations des banques en matière de capitaux propres afin qu'elles n'aient pas de problème de liquidités et de fonds propres qui pourraient les inciter à restreindre la production de crédit", précise-t-elle.

 

Même son de cloche du côté de Cafpi, autre société de courtage en prêts immobiliers : "les banques centrales continueront de donner les moyens aux marchés de distribuer de l'argent à des taux intéressants pour relancer l'économie [...]. La décision de racheter de la dette est [...] utile, car les Etats vont devoir s'endetter pour soutenir les entreprises et minimiser les impacts économiques du coronavirus : cet arbitrage devrait profiter aux crédits immobiliers".

 

"Le nombre de refus de crédits a plus que doublé"

 

 

Valeur refuge

 

"Pour le moment, la demande de crédit n'a pas baissé malgré ce début d'année difficile", explique Cafpi. Le problème vient plutôt du fait que "le nombre de refus de crédits a plus que doublé passant de 10% à plus de 20% des demandes présentées par Cafpi, à cause de la pression mise par les institutions", notamment le Haut conseil de stabilité financière (HCSF), qui a émis des préconisations contestées par le secteur.

 

Pour le courtier, "ce sont les acheteurs qui décideront si oui ou non le marché de l'immobilier va continuer sur sa dynamique malgré les inquiétudes liées au coronavirus". "Cet épisode pourrait avoir comme aspect positif de calmer la pression du marché immobilier, notamment en zones tendues, en contenant quelque peu la hausse des prix. Mais il n'y aura pas d'abandon de l'immobilier : malgré le contexte chaotique, la stabilité de la demande de crédit prouve, s'il en était besoin, que l'immobilier reste le placement refuge". Vousfinancer s'attend même, au moment de la reprise, à un "rattrapage". Cet arrêt provisoire du marché serait, en effet, "uniquement une phase d'attentisme", qui sera "surement compensée par une phase de rattrapage une fois l'épidémie contenue et résolue", juge Sandrine Allonier.

 

Lettre ouverte au gouvernement

 

Autre acteur de la profession, l'Apic, association qui représente "plus de 50% des courtiers", demande, le 18 mars, dans une lettre ouverte au gouvernement, des mesures visant à "soulager la trésorerie des ménages accédants à la propriété et en cours de remboursement d'un prêt immobilier ; maintenir l'activité du financement immobilier et indirectement celui des ventes immobilières ; et favoriser la reprise rapide des transactions et de leur financement dès la sortie de la période de confinement".

 

L'Apic propose les dispositions d'urgence suivantes :
- suspendre les préconisations du HCSF dont l'impact est évalué par nos adhérents à une exclusion de 100.000 ménages par an de l'accession à la propriété ;
- allonger le délai des clauses de conditions suspensives de 45 à 60 jours pour le porter à 90 jours minimum afin de pallier le ralentissement généralisé du traitement des dossiers dans le secteur bancaire et au sein des différentes instances intervenant dans la réalisation des mutations immobilières ;
- favoriser la signature des actes authentiques à distance en systématisant le recours aux moyens de visioconférence et signature électronique de documents afin de faire face à la fermeture de nombreux offices notariales ;
- offrir aux détenteurs d'un crédit immobilier la possibilité de suspendre ou reporter leurs échéances de remboursement afin de soulager la trésorerie des ménages qui seraient confrontés à une baisse de revenus, et uniquement en cas de baisse de revenus afin de ne pas surcharger davantage les services concernés dans les banques ;
- donner aux courtiers la possibilité de proposer à l'étude dans toutes les banques les dossiers des emprunteurs les sollicitant afin de continuer à offrir aux ménages des solutions de financement et d'éviter une situation de distorsion de concurrence entre les acteurs du crédit.

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