Petite révolution culturelle et gros travail de fond, la certification fait son chemin timidement chez les architectes, avec des bénéfices économiques difficiles à évaluer immédiatement.

La certification est dans l'air du temps chez les architectes. Et ceci en dépit des efforts considérables à consentir pour obtenir le très convoité label ISO 9001,ou même la certification MPRO architecte, moins exigeante mais qui se veut la première étape vers ISO 9001. Selon des informations fournies par les organismes certificateurs, le nombre de certification progresse régulièrement depuis trois ans, même s'il reste un phénomène minoritaire.

Le développement des démarches qualité inaugurées il y a une quinzaine d'années a donc trouvé un écho plutôt favorable dans la profession, mais les normes évoluent vite, au risque de perdre en chemin certains architectes.

Le label ISO 9001 2000 a par exemple remplacé certains des dispositifs qui s'étaient mis en place au milieu des années 90. Les cabinets certifiés ISO version 1994 n'ont plus que quelques mois (jusqu'en décembre) pour se mettre en conformité avec les nouveaux référentiels, et certains petits cabinets, pionniers de la certification il y a une dizaine d'années, ont décidé de ne pas s'engager dans le renouvellement de leur label.

Jacques Allier, architecte à Besançon, tout en reconnaissant l'intérêt de la certification, note que les petits cabinets se trouvent parfois piégés par la logique de normes systèmes venant de l'industrie et popularisées par le label ISO. "Dans la mesure où on nous demande d'identifier des problèmes et à la fois de formuler des réponses, les architectes tendent à aller vers une exhaustivité qui devient rapidement difficile à gérer parce que les problèmes ne manquent pas." L'audit interne peut alors vite devenir un casse tête sans fin.

La nouvelle norme ISO 9001, même si elle permet une plus grande simplicité administrative, ne rendra pas les choses plus faciles pour autant. En effet, l'accent mis sur l'orientation client, qui oblige l'architecte à donner des preuves des résultats du point de vue du client, a tendance à mettre les architectes dans un rôle de communicant externe qu'ils ne sont par définition pas formés à jouer. Et qui s'ajoute aux efforts de communication internes consentis parallèlement. Par ailleurs les outils d'évaluation sont dans beaucoup de cas à inventer par les architectes eux-mêmes, la norme ISO 9001 ne leur étant pas réservée.

La certification peut même se révéler une arme à double tranchant, compte tenu de la tendance des clients individuels à ne s'intéresser qu'à leurs problèmes. Jacques Allier raconte ainsi qu'il ne communique plus forcément sur sa certification, bon nombre de personnes ne voyant pas forcément de quoi il s'agit et en quoi cela les concerne. Ironie de l'histoire un peu douloureuse au regard du travail effectué.

S'il est incontestable que l'analyse des processus d'une agence permet des améliorations, il est en revanche plus difficile d'évaluer les retombées économiques d'une certification complète. Il se pourrait donc que le simple attrait exercé par la norme ISO entraîne une salve de certification qui rendra impossible pour beaucoup de cabinets de ne pas en être. Michel Grillet, du groupe Eole, tout récemment certifié ISO, avance des ambitions internationales pour son cabinet, mais admet en même temps que l'ISO 9001 est une arme qu'il n'est pas encore en mesure d'utiliser à tout son potentiel. "La certification nous offre des perspectives mondiales mais nous restons une agence à dimension nationale" précise t-il.

Dans ce contexte la question de savoir si la norme ISO 9001 est vraiment la mieux adaptée aux architectes n'est pas excessive. C'est un peu l'avis de l'Union Nationale des Syndicats d'Architectes (USNFA) qui travaille sur ce dossier depuis plus de 15 ans. "Nous avons rapidement compris qu'il était déraisonnable d'amener les architectes directement l'ISO 9OO1 et qu'un palier intermédiaire devait leur être proposé. L'UNSFA a donc écrit (avec l'aide de l'AQC) le référentiel MPRO, puis a lancé un appel d'offre pour choisir l'organisme certificateur. A l'issue de cet appel d'offre, c'est le binôme "AFAQ-CSTB" qui a été retenu par l'UNSFA" explique François Pelegrin, président de l'UNSFA.

La certification MPRO Architecte reprend donc 70% de la norme ISO 9001 et y ajoute des garanties sur les prix, les délais et les missions réalisées, envisagées selon la perspective du métier d'architecte. MPRO permet également de minimiser le coût des audits en en abaissant la fréquence pour un cabinet en cours de certification (18 mois contre un an pour ISO 9001).

Le label, disponible depuis juin 2002 et dont la promotion opérationnelle a commencé en mai dernier accuse un certain retard face à la certification ISO, plus ancienne Un seul cabinet est actuellement certifié MPRO contre une quarantaine ISO 9001. Jean-Louis Cochard, qui coordonne le programme MPRO pour le CSTB espère que les deux labels cohabiteront dans le futur et gagneront en visibilité.

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