DÉBAT. Près d'un an après la promulgation de la loi Elan, comment les élus construisent-ils leur vision de l'urbanisme ? La question était posée à l'occasion des Congrès des maires de France, le 18 novembre 2019, au regard de la nécessaire limitation de l'artificialisation des sols.

Il était le leitmotiv de la loi Elan: "Construire plus, mieux et moins cher" . Mais avec le temps, le gouvernement a plutôt ajouté un préfixe au verbe, pour finir par préconiser la reconstruction et la rénovation autant que possible.

 

L'objectif de zéro artificialisation nette, pas encore inscrit dans le corpus législatif, est pourtant élevé comme une nouvelle norme dont les élus devront s'emparer de plus en plus. En zone rurale, cet argument obtient un écho tout particulier, alors que les centres anciens se vident au profit de zones commerciales en périphérie qui contribuent au grignotage de surfaces agricoles.

 

Pour le juriste Vincent Legrand, le droit de l'urbanisme a longtemps soutenu l'extension urbaine, associant les évolutions du code de l'urbanisme à celles de la vie politique française. Il admet cependant que "l'idée de recentraliser, de reprise en mains des centres-bourgs figurent bien comme des objectifs des politiques publiques".

 

"On ne peut pas tout réhabiliter"

 

Malgré l'émergence de l'Opération de revitalisation de territoire (ORT), de la Grande opération d'urbanisme (GOU), ou du Projet partenarial d'aménagement créés par la loi Elan, les édiles, notamment de petites communes, estiment que le compte n'y est pas encore pour les soutenir dans l'acte de reconstruire la ville sur la ville. Un argument qui se tient en zone tendue, mais qui appelle à davantage de souplesse dans les territoires qui le sont moins.

 

"Il y a beaucoup d'inquiétudes dans les campagnes, parce qu'il y a énormément d'immeubles vacants, mais des possibilités de changement de destination", affirme Pierre Jarlier, maire de Saint-Flour dans le Cantal. "Tous les maires sont d'accord pour aller vers une certaine densification avec de l'existant, et valoriser nos centres-villes. Mais on ne peut pas tout réhabiliter", affirme le maire de Cestas (Gironde), Pierre Ducout.

 

Si l'ingénierie de projets devient de plus en plus accessible dans le cadre des programmes Action coeur de ville ou Petites villes de demain qui devrait être prochainement lancé, les différents outils techniques permettant de convertir des édifices ancien demeurent coûteux pour les collectivités, freinant la marche vers la densification.

 

Une ville dense et désirable

 

"Il y a un intérêt et un besoin de reconquérir les centres-bourgs", affirme Jean-Louis Denoit, édile de Viviez, petite commune aveyronnaise de 13.000 habitants. "C'est dur, lourd, laborieux. Les opérations de dépollution, de désamiantage ou même d'acquisition de certains fonciers sont complexes et coûteuses, et il n'y a pas beaucoup d'aides en ce sens", ajoute-t-il.

 

"Le droit de l'urbanisme n'est pas qu'une question technique et juridique. C'est aussi une question politique qui interroge notre attachement au sol, à la propriété", synthétise Jean-Baptiste Butlen, sous-directeur de l'aménagement durable au ministère de la Transition écologique et solidaire. Si les "moteurs" de l'étalement urbain ne sont pas les mêmes en zone tendue qu'en zone rurale, il en dégage quelques dénominateurs communs : le coût du foncier, finalement plus à l'avantage du promoteur immobilier que du futur occupant "qui paiera peut être autant s'il est amené à utiliser son véhicule pour aller travailler" . C'est aussi une question d'outils pour la reconstruction de la ville sur la ville, encore trop peu attractifs: "on étale parce que cela est moins compliqué que de démolir", ajoute Jean-Baptiste Bulten.

 

A l'échelle du gouvernement, un groupe de travail interministériel devra rendre ses conclusions à la fin de l'année sur les mesures destinées à freiner l'artificialisation des sols. Mais au delà du bâton réglementaire, il faudra également compter sur "un travail d'acceptabilité auprès des concitoyens, afin de faire de la ville dense une ville désirable", conclut le sous-directeur en charge de l'aménagement durable.

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