Avec le Plexiglass qui fait son grand retour, le Corian® est le matériau de prédilection pour toute une génération de designer. L’un des plus talentueux d’entre eux, Ron Arad, a signé à l’occasion du salon du meuble de Milan une installation révélant un usage radicalement nouveau de ce matériau massif.

Cette installation qui exploite la translucidité du Corian® s’intitule étrangement "Lo-rez-dolores-tabula-rasa". Pourquoi ce nom ?

Lo-rez évoque l’effet produit par les films et les images qui apparaissent au travers du Corian® - une image basse résolution (en anglais, ‘low resolution’) -dolores, c’est juste le prénom d’une femme. Et ‘tabula rasa’, ou table rase, signifie une ardoise vierge - plus aucun souvenir, plus aucune trace.

Quelles ont été vos sources d’inspiration pour créer cette installation ?

Cela fait un moment que je converse avec le Corian® et j’ai décidé que, si je devais faire quelque chose avec ce matériau, cela devait être réellement aventureux - expérimental. Cette installation prend l’une de ces qualités - sa translucidité - et montre réellement ce que l’on peut en faire, d’une manière encore inédite. Nous avons aussi cherché à exploiter toutes les qualités de Corian®. Les sièges ‘Oh-Void’ montrent comment il peut être assemblé sans joint apparent, mais d’une manière plus intéressante. J’ai vu des pièces rayées, par incrustations, mais jamais encore par cette technique de jointoiement qui donne de fines rayures, comme les lignes topographiques d’une carte. Le Corian® lui-même a donc constitué une source d’inspiration majeure.
Quant à la technologie employée, l’inspiration est venue des écrans à cristaux liquides qui, éteints, ressemblent à un trou noir, à quelque chose de très dense. Dans mon installation, nous avons un mur blanc tactile, parfait, qui par lui-même est déjà beau. Une image projetée, un écran plasma, cela se reconnaît toujours. Mais je ne pense pas que l’on ait jamais produit une surface réelle comme celle-ci, capable de laisser transparaître des films et des images - je trouve cette expérience fascinante !
Et puis, bien sûr, je voulais que cette installation soit un divertissement - d’où le type de spectacle que nous montrons, notamment un film spécialement réalisé pour cette installation par The Light Surgeons, de jeunes réalisateurs londoniens.

Quelle réaction espérez-vous susciter avec cette installation ?

Vous savez, cette création est extrêmement expérimentale, ce qui renferme toujours un élément de risque et la possibilité d’un échec. Cela s’applique d’ailleurs à toute création.
Chaque livre, chaque film est un saut dans l’inconnu. Il est impossible de savoir à l’avance quel effet il aura sur les gens. Mais s’il est une chose que j’espère, c’est que cette installation divertisse, étonne et fascine - comme n’importe quelle autre de mes créations.
J’espère aussi qu’elle incitera à se demander comment nous l’avons réalisée. Cette fois-ci, nous ne montrons pas l’arrière du mur - cela doit rester un mystère. Mais un jour viendra, peut-être, où il serait intéressant de le dévoiler.

Avez-vous envisagé d’autres matériaux pour cette installation ?

J’aurais pu travailler avec d’autres matériaux : le béton, par exemple. Mais je n’aurais pas obtenu cette surface douce et tactile.

Ce travail a-t-il modifié votre opinion de ce matériau ?

Effectivement, cela a gommé mon a-priori contre le Corian®. Je le trouvais trop coûteux. Mais j’ai utilisé des matériaux similaires par le passé, et rien ne lui ressemble. On sent qu’il s’agit d’un matériau fait par l’homme - il n’imite aucune autre matière - et il est doux au toucher. Aucun créateur ne peut plus l’ignorer, il est désormais ancré dans nos esprits.

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