ENVIRONNEMENT. Alors que la construction neuve va, dès 2021, tenir compte de l'impact carbone d'une construction, il n'en est toujours pas clairement question pour la rénovation de l'existant. Mais c'est le prochain grand chantier qui attend le secteur, ont assuré des décideurs intervenant lors d'EnerJ-meeting Paris 2020.

Après le neuf, viendra rapidement le tour de la rénovation. En termes de limitation des émissions de carbone des bâtiments sur l'ensemble de leur cycle de vie, toute l'attention se concentre sur la réglementation environnementale, en chantier depuis 2016. Alors que ce texte est en phase finale d'arbitrage, certains décideurs sont déjà dans le 'coup d'après' : la rénovation environnementale, c'est-à-dire bas carbone. "Nous devons mieux prendre en compte le facteur carbone", a ainsi assuré Philippe Pelletier, président du plan bâtiment durable, lors d'une intervention à EnerJ-meeting Paris 2020. "Nous sommes obligés de changer d'angle et de baisser la quantité de carbone des projets", confirme Alain Maugard, copilote du plan de rénovation énergétique des bâtiments, rappelant l'objectif de neutralité carbone fixé à 2050.

 

Réunir les réglementations du neuf et de l'ancien ?

 

En matière d'existant, Alain Maugard invite à penser le bâtiment existant comme un élément stockant du carbone, en imaginant à terme une forme d'unification des réglementations et des labels existant pour le neuf et l'ancien, dans un objectif énergétique et environnemental. "Nous devons également apprendre à ne faire de la construction neuve à bon escient", continue-t-il.

 

 

Concernant la rénovation, un autre sujet a émergé l'année dernière, au moment des discussions sur la loi énergie-climat : celui de l'obligation de rénover les passoires thermiques. "Plus le mur climatique approche, plus nous sommes tentés de prendre le taureau par les cornes", observe Alain Maugard. La dynamique est d'ailleurs réelle, assure de son côté Philippe Pelletier. "Nous devons arrêter de penser que la rénovation doit démarrer : elle est déjà à l'œuvre, je le constate lors de mes nombreux déplacements sur les territoires dans des projets concrets." Il invite à présent à travailler sur la confiance : mieux accompagner les ménages sur le terrain par le biais d'une contractualisation entre l'État et les collectivités locales (dont nous verrons des résultats concrets "dès cette année") ; aller au bout de la réforme du diagnostic de performance énergétique (DPE) jusqu'à son opposabilité prévue en 2021 ; et enfin renforcer la confiance dans l'offre des entreprises, ce qui passe par l'éradication des éco-délinquants, autre chantier qui passera peut-être par une interdiction du démarchage téléphonique pour la rénovation.

 

Ouvrir le scope au-delà de la vision énergétique

 

La maîtrise d'œuvre aura bien évidemment son rôle à jouer. Elle était représentée à EnerJ-meeting par Denis Dessus, président du Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa). "Nous avons toujours du mal à amplifier le mouvement", a-t-il regretté. "Nous avons trop axé sur l'énergie : mais nous devons ouvrir franchement le scope, en intégrant la santé, le carbone, l'acoustique, le confort en général, car quand on modifie un aspect du bâtiment, tous les autres critères en sont impactés et il faut en tenir compte." Pour lui, l'architecte est naturellement "l'ensemblier" - expression de Philippe Pelletier - qui peut permettre cette intervention multi-factorielle sur le bâti. D'autant plus que "réussir à répondre à la fois aux besoins immédiats et aux besoins futurs, c'est très difficile", a aussi observé Denis Dessus.

 

Le décret tertiaire et les obligations de travaux qu'il pose jusqu'en 2050 constituera, pour Philippe Pelletier, un terrain d'expérimentation qui permettra probablement d'y voir plus clair. "Cela sera une sorte de laboratoire, sur trente ans, où nous pourrons apprécier les mérites et les ombres d'une obligation de travaux posée", a-t-il explicité. "Nous sommes lancés, non pas dans un sprint, mais un marathon", commente pour sa part Alain Maugard à ceux qui aimeraient que les choses aillent plus vite.

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