A la veille de l'échéance présidentielle, Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF) et député-maire de Lons-le-Saunier (Jura), dresse un tour d'horizon complet de la conjoncture actuelle et des perspectives à venir. Il nous livre également son avis sur la majoration de 30 % des droits à construire et les vives inquiétudes des élus à boucler leurs budgets. Entretien.

Batiactu : L'augmentation de 30% des droits à construire adoptée ces temps-ci suscite beaucoup d'interrogations chez les élus locaux. Si la mesure ne fait pas l'unanimité, le Gouvernement estime que près de 40.000 logements supplémentaires par an pourraient être créés. Quelle est votre position sur ce texte ?
Jacques Pélissard :
J'ai rencontré très rapidement Benoist Apparu, ministre délégué au Logement après cette déclaration et je lui ai exprimé mes inquiétudes face à ce projet de loi, qui n'avait fait l'objet d'aucune concertation avec les associations d'élus. Il s'agissait avant tout d'une mesure trop générale et non ciblée sur les territoires avec une certaine ignorance des spécificités des territoires.

 

Toutefois, la méthode retenue n'est pas satisfaisante puisqu'il est imposé de réaliser une note d'information présentant les conséquences de l'application de la majoration au regard des grands objectifs du code de l'urbanisme (respect d'objectifs écologiques, de diversité, de l'habitat, de mixité urbaine et sociale…). A l'issue d'un mois de consultation sur cette note, une synthèse fera l'objet d'une présentation devant l'Assemblée délibérante. La majoration automatique s'appliquera 8 jours au plus tard après cette présentation sauf délibération. Cette mesure semble contradictoire avec la nécessité de maîtriser la dépense publique. L'AMF est en plein accord avec l'objectif de créer plus de logements notamment en zone tendue et d'offrir de la souplesse en tant que de besoin.

 

Mais, au sujet de la majoration des droits à construire, il faut revenir à la loi Molle, qui laisse l'initiative aux conseils municipaux ou communautaires de majorer les règles de constructibilité par une procédure de modification simplifiée. Cette majoration fixée aujourd'hui à 20 % doit être portée à 30 %. C'est ce que prévoit donc le premier alinéa du projet de loi issu du Parlement. En résumé, nous disposons de modalités qui restent lourdes avec un certain coût.

 

Batiactu : Et lorsque Benoist Apparu, ministre délégué au Logement, renchérit : « Si dans la commune, le PLU autorise la construction de 100 logements sur une parcelle, on pourra désormais en construire 130 ». L'AMF rejoint-elle l'idée du Gouvernement ?
Jacques Pélissard :
L'AMF émet plus de doutes sur le caractère mécanique de développement de la construction par une simple application de cette mesure. Et puis d'autres droits peuvent empêcher cette simple multiplication des droits à construire tels que les règles du droit civil, les autres règles du PLU : prospect, distance par rapport aux limites séparatives, taille des parcelles…
Aujourd'hui, les droits à construire existants sur les terrains ne sont pas systématiquement utilisés par choix ou pour des raisons économiques. Ainsi, accroître les droits à construire sur un terrain ne peut que mécaniquement en augmenter le prix.

 

Enfin, le projet de loi occulte l'un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés ceux qui disposent pourtant des droits pour construire : les recours contentieux qui bloquent 15 % des projets.

 

Batiactu : Difficultés d'accès au crédit bancaire, emprunts toxiques, augmentation des dépenses sociales… Lors du dernier congrès des maires à Paris, les 7.000 élus ont exprimé leurs vives inquiétudes à boucler leurs budgets. Qu'en est-il pour 2012 ?
Jacques Pélissard :
L'année 2012 sera très difficile pour deux raisons simples : dans la continuité de 2011, les conséquences de la nouvelle règlementation bancaire impactent de plein fouet les collectivités locales. Le phénomène est accentué d'autant que l'on s'approche de la date d'entrée en vigueur des premières mesures (Ndlr : 2013). Les banques limiteront drastiquement leurs enveloppes de crédit aux collectivités, et se contenteront de mettre sur le marché l'équivalent du volume d'amortissement de leur stock de prêt, comme elles l'ont confirmé lors de leur rencontre avec la direction générale du Trésor, le 7 février dernier. En volume, elles s'engagent donc à offrir environ 8 Md€ de crédit au secteur public local, secteur hospitalier inclus.

 


Découvrez en page 2 la suite de l'interview de Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France

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