La France est le deuxième pays d'Europe à embaucher des travailleurs détachés. Sauf qu'une partie de ces travailleurs n'est pas issue d'autres pays membres, mais bien de l'Hexagone, indique un rapport parlementaire, débattu ce lundi, et qui participera à la préparation de la réunion des ministres européens du Travail le 9 décembre prochain.

Avant que les ministres européens du Travail débattent, le 9 décembre prochain, pour trouver un accord sur la directive 96/71/CE, les députés sont invités, à l'occasion du débat en séance publique à l'Assemblée nationale, ce lundi 2 décembre, à plancher sur le rapport d'information des députés Gilles Savary, Chantal Guittet, et Michel Piron concernant la proposition de directive relative à l'exécution de la directive sur le détachement des travailleurs.

 

Et les conclusions de ce rapport parlementaires sont accablants… pour la France, qui se place en deuxième position des pays qui importent des salariés détachés. Rien d'illégal, puisque ce dispositif est conforme à la Directive européenne de 1996, sauf que ce rapport indique que 12% des salariés européens détachés en France sont français ! Le principe : le travailleur français s'inscrit dans une agence d'intérim installée à l'étranger et est ensuite détaché pour travailler en France. Une opération lucrative pour les entreprises qui s'acquittent de charges souvent moins élevées.

 

Les régions frontalières davantage exposées
Selon la Direction générale du travail (DGT), le nombre de déclarations de détachement progresse à un rythme soutenu ; 45 000 déclarations de détachement ont été effectuées en 2011, équivalent à 145 000 salariés détachés, soit une croissance de 17 % par rapport à l'exercice précédent, peut-on lire dans le rapport Savary-Gillet-Piron. "La moitié des déclarations a été effectuée dans dix départements, avec une prépondérance pour les zones frontalières de l'Est et du Nord de la France : Moselle, Bas-Rhin, Alpes-Maritimes, Meurthe-et-Moselle et Nord rassemblent 41 % des déclarations, viennent ensuite le Haut-Rhin, la Haute-Savoie, la Loire-Atlantique, les Yvelines et le Var. Le secteur du bâtiment enregistre à lui seul près de 17 500 déclarations, soit plus du tiers de l'ensemble des déclarations (38 %). En totalisant près de 14 000 déclarations, les entreprises de travail temporaire ont effectué 30 % des déclarations en 2011, faites aux trois-quarts dans les secteurs de la construction et de l'agriculture". Une tendance lourde, reconnaît la DGT…

 

Le BTP toujours en première ligne
Et la DGT de donner un exemple : dans l'Eure, les agents de contrôle signalent le recours de plus en plus fréquent à des sociétés de travail temporaire, domiciliées à la même adresse que des entreprises étrangères du secteur du BTP ou de la maintenance, et proposant à certaines entreprises du département des mises à disposition de salariés à un coût très inférieur. De même, les services de la Vienne constatent une augmentation du recours à des sociétés de travail temporaire étrangères dans le secteur du bâtiment, implantées surtout en Espagne et en Hongrie, avec l'intervention de salariés intérimaires issus des pays de l'Est, détachés via des entreprises établies en Bulgarie ou en Pologne, notamment pour la cueillette des melons.

 

Alors que le Gouvernement s'est saisi du dossier et a publié un rapport, la semaine dernière, indiquant, entre autres, le renforcement de l'arsenal législatif pour lutter contre les abus et dérives de cette mesure, ces révélations ne font qu'ajouter de l'huile sur le feu. "C'est honteux, proteste Gille Savary, un des co-auteurs du rapport présenté ce jour, dans les colonnes du quotidien Le Parisien. Cela montre que nous sommes entrés dans une totale déréglementation du marché du travail. (…) Renforcer la directive détachement, c'est bien, mais il faudra aller plus loin pour mettre fin à ces dérives. Sinon, le trafic de main-d'œuvre low-cost va nous submerger et mettre en danger notre système de protection sociale".

 

Les dernières heures du plombier polonais ?
En parallèle, la France se hisse, selon le rapport, au 3e rang des pays de l'Union détachant des travailleurs, avec près de 300.000 travailleurs détachés, devant la Pologne et l'Allemagne. En tête des pays employant des Français, la Belgique (35.295), suivie de l'Allemagne (21.881), de l'Italie (15.020), de l'Espagne (14.936) et du Royaume-Uni (13.226).

 

En attendant, à l'occasion d'une visite officielle à Varsovie, François Hollande et le Premier ministre polonais ont semble-t-il trouvé un terrain d'entente pour résoudre le problème soulevé par la Directive européenne de 1996 sur le travail détaché. Histoire de faire oublier le cliché du plombier polonais…

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