L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques jette un pavé dans la mare en publiant un rapport qui pointe le manque d'innovation en matière d'économies d'énergie dans le bâtiment. Outre des lourdeurs administratives ou la complexité réglementaire, le document critique le processus d'évaluation technique par le CSTB et son rôle dans l'élaboration du moteur de calcul de la RT 2012. Compte-rendu.

Le sénateur Marcel Deneux et le député Jean-Yves Le Déaut n'y sont pas allés de main morte. A l'occasion de la remise de leur rapport, fruit d'un travail d'une année, les deux membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), ont rendu public leurs conclusions. Evénement rare, le rapport a été adopté à l'unanimité des membres de l'office, dépassant les querelles partisanes.

Perdre la bataille de l'innovation

"Notre étude d'un an s'est déroulée dans le cadre de la préparation de la loi de transition énergétique : 170 acteurs du secteur ont été auditionnés à Paris et en région, ainsi qu'à l'étranger (Allemagne, Autriche, Scandinavie)", explique Jean-Yves Le Déaut. "L'Europe est en mouvement sur l'efficacité énergétique et il existe un marché immense dans la rénovation. Or la France risque de perdre la bataille de l'innovation. C'est un problème majeur du domaine, car chez nos voisins la recherche est de très haut niveau et les investissements sont forts", prévient-il. Estimant qu'il était impossible de gérer la transition énergétique dans l'immobilisme technologique, il préfère y voir un défi scientifique capable de stimuler l'activité économique. "Pour nous, les bâtiments d'hier sont devenus le problème d'aujourd'hui", déclare-t-il.

 

Selon les membres de l'OPECST, trois types de blocages freineraient l'innovation dans le domaine de la performance thermique des bâtiments : "Le dispositif de mise sur le marché est complexe, notamment les procédures de vérification réalisées par le CSTB. Les aides publiques peuvent également constituer un frein car les produits innovants n'en bénéficient pas contrairement aux produits mûrs. Il y a une véritable jungle des aides à simplifier. Enfin, les règles de construction, dont la RT 2012, sont souvent arbitraires et manquent de transparence", expose Marcel Deneux. Contacté ce mercredi soir, le CSTB, qui n'avait pas encore pris connaissance du rapport final de l'OPECST, n'a pas souhaité réagir.

Les ouates de cellulose sacrifiées

Jean-Yves Le Déaut relate deux affaires ayant secoué le monde de la construction ces dernières années : "Les ouates de cellulose tout d'abord. C'est une affaire qui se conclut mal, avec beaucoup d'entreprises aujourd'hui en liquidation judiciaire. Ces faillites sont dues à des à-coups réglementaires". Rappel des faits : en 2010-2011, les ouates de cellulose commencent à gagner une part de marché non négligeable dans le secteur des isolants. Afin de les ignifuger, les industriels utilisent des sels de bore. Suite à une évolution de la réglementation REACH sur les produits chimiques, la France réagit par une interdiction immédiate et totale de ces composés. Les entreprises sont invitées à modifier leurs procédés et refaire valider leurs produits, en incorporant cette fois des sels d'ammonium. Mais quelques mois plus tard, coup de théâtre, des dégagements d'ammoniac sont constatés. Une nouvelle fois, les industriels sont sommés de stopper la vente et de faire marche arrière. "Mais qui est responsable ? La DHUP ? La gestion du risque ? Est-ce une bataille commerciale ?", s'interroge le député pour qui, suite à ce triple revirement de situation, les ouates de cellulose ont été sacrifiées. "Il y a eu des pertes d'emplois dans l'anonymat d'une administration qui n'a pas plaidé le sujet", déplore Jean-Yves Le Déaut.

 

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