La protection des équipements sensibles et des données face aux rayonnements électromagnétiques est un enjeu crucial où la cage de Faraday constituait jusqu'ici la seule réponse. Spie Batignolles et EuroMC ont développé une solution de blindage architectural innovante, à base de béton fibré et de grillage métallique. Explications avec Nathalie Tepey, ingénieur d'études chez Spie Batignolles TPCI.

Afin de protéger un local contre les rayonnements électromagnétiques extérieurs, ou à l'inverse, d'empêcher un équipement d'émettre de tels rayonnements vers l'extérieur, la solution classique consiste à réaliser une cage de Faraday. Cette dernière peut être réalisée en feuillard de cuivre ou au moyen de panneaux métalliques autoportants. Une technique qui se révèle coûteuse lorsque les dimensions des locaux à blinder sont importantes. Le ministère de l'Intérieur, qui recherchait une solution alternative, a donc choisi de tester la solution développée conjointement par Spie Batignolles TPCI et EuroMC, un spécialiste de la protection électromagnétique.

 

"C'est une variante de la cage de Faraday qui est d'une mise en œuvre plus aisée que des plaques de cuivre", raconte Nathalie Tepey, ingénieur d'études dans le groupe de génie civil. "La solution, brevetée, porte sur l'utilisation d'un béton fibré et d'un grillage", résume-t-elle. Surnommée "Intelligent Concrete", elle consiste à réaliser les six parois de la pièce (murs, plancher et plafond) au moyen d'un béton standard, chargé en particules métalliques conductrices, associé à un treillis également conducteur fixé sur la peau de la paroi. "Le béton absorbe les hautes fréquences tandis que le grillage atténue les basses et moyennes fréquences", nous révèle l'ingénieur. Cette alliance entre les matériaux permet une couverture plus large du spectre, de quelques centaines de hertz jusqu'à plusieurs dizaines de gigahertz. "Et le procédé peut être adapté selon les longueurs d'ondes dont on souhaite se prémunir", ajoute-t-elle. En jouant sur les épaisseurs de béton, sur la quantité et la nature des fibres métalliques ou sur la taille des mailles du grillage, il est possible d'optimiser la protection face à certains rayonnements. La spécialiste évoque notamment les "attaques Tempest", des procédés d'espionnage qui permettent de capter des émissions électromagnétiques ou de submerger des serveurs de rayonnements pour endommager les données qu'ils contiennent.
Béton blindé
Le schéma de principe d'"Intelligent Concrete" © Spie Batignolles TPCI - EuroMC

 

Tout un panel de marchés concernés

 

Dès lors, rien d'étonnant à ce que le marché de la défense et de la sureté soient les premiers intéressés. "C'est un marché de niche, mais de nombreux acteurs sont concernés et il y a des débouchés à l'international. Dans l'industrie par exemple, pour tester du matériel électronique et mesurer les rayonnements émis, il est nécessaire de disposer de zones protégées. Dans le secteur médical, les IRM doivent aussi être confinés pour ne pas perturber les autres équipements. Et les data centers doivent être préservés des interférences", nous détaille Nathalie Tepey. L'avantage de la solution proposée par les deux sociétés françaises est qu'à propriétés égales, elle réduit de 50 % le coût de la protection contre les ondes électromagnétiques. Sa mise en œuvre serait plus simple, dans le neuf, que l'installation d'une classique cage de Faraday. Les partenaires mettent également en avant "une grande pérennité des performances d'atténuation des radiofréquences" et l'absence de toute maintenance. Les mesures effectuées sur le chantier du ministère auraient montré que la protection serait même supérieure aux préconisations.

 

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