Débutés en 1997, les travaux de désamiantage du campus Jussieu (Paris 5e) devaient initialement durer trois ans et coûter 183 M€. Toujours pas terminés aujourd'hui, en 2011, la facture devrait finalement se monter à 1.850 M€. La Cour des comptes, qui avait déjà épinglé deux fois la conduite du chantier en 1999 et en 2003, dresse un nouveau bilan financier édifiant.

Décidée à la hâte en 1996, l'opération de désamiantage du campus parisien de Jussieu a subi de graves dérives ayant affecté son déroulement. La Cour des comptes vient de livrer un rapport qui appelle l'Etat à une reprise en main vigoureuse du pilotage du projet.

 

Dès le démarrage, dans l'urgence, les travaux n'ont pas bénéficié d'une phase de préparation adéquate. Les études et diagnostics ont été insuffisants, et toutes les options n'ont pas été sérieusement envisagées, y compris celle de la démolition/reconstruction. Et l'enveloppe prévisionnelle a été largement sous-évaluée, avec 183 M€ initialement prévus. Pire : aucune structure de pilotage, ni aucun schéma d'organisation, n'ont été définis pour la conduite de l'opération, pourtant particulièrement complexe : 320.000 m² de bâtiments à désamianter par tranches successives, bâtiments occupés par 40.000 étudiants et chercheurs, méconnaissance des techniques de construction, caractère spécifique des locaux de recherche à réhabiliter, etc. L'établissement public du campus de Jussieu (EPCJ) porte, selon Didier Migaud (premier président de la Cour des comptes), « une lourde responsabilité en n'appliquant pas les fondamentaux de la maîtrise d'ouvrage publique (…) L'EPCJ n'a pas été en capacité d'arbitrer les conflits entre les établissements universitaires ». Car le campus de Jussieu est partagé entre les universités Paris VI Pierre et Marie Curie, Paris VII Diderot et l'Institut de Physique du Globe, chacune souhaitant bénéficier des opérations de réhabilitation.

 

Aucun pilote à la manœuvre
L'opération a donc été marquée par une dilution et une confusion des responsabilités entre ces établissements, l'EPCJ et l'Etat financeur. Par exemple, la répartition des surfaces entre les universités n'a été définie que très tardivement, en 2010. De fait, toutes les opérations gérées par l'EPCJ, qui n'avait pas les moyens d'exercer son autorité, ont connu des dérives importantes de coûts et de délais. En 2001, le coût est ajusté à 681,5 M€ et la fin du chantier est prévue pour 2004. Puis les délais sont repoussés successivement à fin 2007, puis fin 2010, pour une facture de 1,85 Mrd €. Il faut noter que le coût du désamiantage ne représente que 9 % du coût global, l'essentiel étant constitué par les opérations de construction/réhabilitation des bâtiments (58 %) et les coûts liés aux relogements (33 %).

 

Tirant les enseignements de ce naufrage, la Cour des comptes a formulé des recommandations destinées à sécuriser financièrement la fin des travaux prévue désormais pour 2014-2015. Elles doivent fournir un cadre pour de futures opérations immobilières envisagées par l'Etat dans le cadre du plan Campus (5,5 Mrds €). Les recommandations visent à améliorer les compétences de maîtrise d'ouvrage de l'EPAURIF (Etablissement public d'aménagement universitaire de la région Île-de-France), à responsabiliser les établissements universitaires (notamment en matière de stabilité des programmes et de respect de l'enveloppe financière), et à créer les conditions d'un pilotage stratégique par l'Etat. Devant l'ampleur des défaillances et des dérives, la Cour des comptes a même décidé la saisie de la Cour de discipline budgétaire et financière.

 

Si les opérations de désamiantage sont maintenant terminées à Jussieu, les travaux continuent. L'EPAURIF vient de lancer deux marchés importants pour la rénovation de 100.000 m² situés au cœur du campus, pour aménager et repeindre les bâtiments laissés à nu par le désamiantage. L'Université Pierre et Marie Curie réintégrera finalement seule sur le site, l'université Diderot ayant déménagé sur le site des Grands Moulins (Paris 14e).

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