Huit des douze vitraux, de l'ancienne chapelle des Ursulines, à Auch (Gers), retrouvés 36 ans après, ornent désormais la cathédrale de Doha, capitale du Qatar. Cette découverte revient à Jacques Lapart, conservateur des antiquités et objets d'art du Gers.

Les vitraux d'une ancienne chapelle du Gers ont effectué un long chemin. A leur recherche depuis quelques mois, Jacques Lapart, conservateur des antiquités et objets d'art du Gers, a retrouvé la trace de ces ornements de 4,50 mètres de haut sur 1,60 m de large dans la toute nouvelle cathédrale Notre-dame-du Rosaire, à Doha, capitale du Qatar, inaugurée en 2008…

 

«On y retrouve sur ces vitraux quelques blasons d'archevêques d'Auch que j'ai authentifiés via les archives diocésaines et les archives départementales, nous explique-t-il. Ce que m'a confirmé l'un de mes anciens élèves, séminariste à Rome, très fort en héraldique (étude des armoiries et des blasons) : il précise que d'autres blasons correspondent à des familles gersoises d'Ursulines qui ont payé les vitraux lors de la construction de la chapelle vers 1870.»

 

Grandes fiertés du patrimoine culturel gersois, les vitraux sont fabriqués par Emile Hirsh, ancien élève d'Eugène Delacroix et grand maître verrier parisien au XIXe siècle. L'orfèvre est également chargé de la restauration des vitraux des cathédrales de Chartres et de La Rochelle, des églises Saint-Séverin et Saint-Thomas d'Aquin à Paris. Appelé à Auch par Viollet-le-Duc dans le cadre de travaux de restauration de la cathédrale, Émile Hirsch y séjourne à la fin des années 1860. C'est à cette période que la congrégation des Ursulines lui commande l'ensemble des vitraux de leur chapelle en construction.
Consacrée le 24 juin 1873 par Mgr de Langalerie (dont on retrouve le blason sur l'un des vitraux de Doha), la chapelle est désacralisée peu après 1905 et sert alors de gymnase aux jeunes filles du collège Carnot situé à proximité.

 

Perdus de vue et en circulation pendant 30 ans
En 1974, la mairie d'Auch décide de faire démolir cette chapelle « vétuste » malgré quelques contestations des habitants, en raison d'une menace d'écroulement. «Il était question que l'on conserve les vitraux, confie Jacques Lapart. Mais en fait l'entrepreneur local basé à Nogaro, une petite ville gasconne, chargé de la démolition embarque tout sans que la municipalité s'en rende compte ! »

 

Récupérés justement par cette entreprise de rénovation, les vitraux sont perdus de vue et circulent pendant plus de 30 ans dans les mains d'antiquaires et d'amateurs d'art religieux. C'est alors qu'un maître verrier béarnais est engagé pour les restaurer à la demande des Qataris désireux de promouvoir le pluralisme religieux en édifiant la première cathédrale catholique de Doha…

 

«Cette histoire est assez rocambolesque, nous confirme le conservateur des antiquités et objets d'art du Gers. Le patrimoine voyage plus que l'on croit… » Et la mairie d'Auch a-t-elle les moyens de récupérer les vitraux ? « C'est impossible, car il s'agit d'une prescription trentenaire ! », conclut-t-il.

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