Finalement, le bâtiment n'aura pas eu gain de cause. Du moins concernant la principale revendication pour laquelle il se bat depuis longtemps : l'exclusion du bâtiment du régime de l'auto-entrepreneur. Une concession aura été faite dans le rapport de l'IGF et de l'IGAS relative à la limitation de la durée. Détails et réactions.

Le régime de l'auto-entrepreneur sera donc bien maintenu - confirmant globalement les "rumeurs" qui couraient depuis plusieurs jours - mais comportera aussi quelques améliorations. Limitation dans le temps lorsqu'il s'agit d'une activité principale, obligations de qualification, mesures d'accompagnement pour pérenniser l'activité, ajustement de la CFE… Sylvia Pinel a présenté, ce mercredi midi, à la presse, les grandes orientations que le Gouvernement a adoptées à partir des recommandations du rapport de l'IGF et de l'IGAS.

 

"Le rapport nous apprend que ce régime a été créé à deux fins différentes : l'une pour créer véritablement une entreprise, l'autre pour avoir une activité complémentaire pour constituer un revenu d'appoint", a indiqué la ministre. Avant d'ajouter : "Pour le premier, nous souhaitons maintenir ce régime sans limitation de durée, pour permettre aux Français qui ont un revenu modeste d'avoir un complément de revenus. Je pense aux étudiants, aux chômeurs ou aux retraités. Mais nous devons aujourd'hui entamer une réflexion pour savoir s'il n'y aurait pas, même pour l'activité secondaire, des nécessités de qualification dans certains métiers où la sécurité, la protection du consommateur l'exigent. Mais aussi une question du seuil pour que cela reste réellement une activité complémentaire". Objectif affiché du Gouvernement : créer de l'activité pérenne et lutter contre l'augmentation du chômage.

 

Limitation de durée et déclarations d'obligation : une première étape
Voici ainsi résumées les principales orientations du Gouvernement, qui entend identifier au mieux, et d'un point de vue statistique, les deux populations qui constituent ce régime. Pour les premiers, le statut d'auto-entrepreneur n'aura pas de limitation dans le temps. Pour les seconds, il s'agit de faire de ce régime un "tremplin" vers le passage au régime classique, donc avec une condition de limitation dans le temps. Ensuite, il s'agit de mettre en place des déclarations d'obligations de qualification dès l'enregistrement au registre des métiers, notamment pour les métiers où la sécurité est un enjeu majeur. Mais également d'instaurer des mesures d'accompagnement pour les AE et de maintenir et préserver le cadre social et fiscal du régime, avec des ajustements à venir sur la Cotisation foncière des entreprises (CFE).

 

"Notre objectif n'est pas de casser le régime, mais de l'améliorer et le rendre efficace", a martelé Sylvia Pinel. D'ailleurs, elle a rappelé que le Gouvernement n'avais jamais eu l'intention de supprimer ce statut. "Reste à affiner, et c'est le travail qui va se poursuivre avec les organisations professionnelles que je recevrais dans les prochaines semaines, sur la gestion de la période de transition, sur les modalités de l'accompagnement des AE, sur la durée, et la question entre la distribution entre activité principale et accessoire. Des mesures plus précises à donner d'ici à l'été", a-t-elle ajouté.

 

Déçus, les acteurs ne baissent pas les bras
Côté professionnels, ces conclusions n'ont pas manqué de faire réagir. Ainsi, dans un communiqué, la FFB "regrette que le bâtiment ne soit pas exclu du statut", mais estime que "la limitation dans le temps du statut proposée par le Gouvernement va dans le sens d'une protection du secteur en cette période de ralentissement économique". Idem du côté de l'UPA, qui ironise : "Un an de concertations et un rapport plus tard, le gouvernement décide… d'ouvrir une nouvelle concertation". La limitation de durée du statut est "un pas fait en direction des entreprises de droit commun qui subissent la concurrence déloyale des auto-entrepreneurs", souligne l'UPA, dans un communiqué. Mais l'organisation rappelle que ces mêmes entreprises devront subir "une double peine", en raison du maintien d'un traitement fiscal et social "nettement plus avantageux", et notamment en matière de facturation de la TVA qui ne concerne pas les AE. Au final, UPA et FFB réitèrent toutes deux d'exclure le bâtiment du régime.

 

Le Gouvernement entendra-t-il à nouveau ces plaintes ? Rien n'est moins sûr, laisse entendre Sylvia Pinel : "L'exclusion d'un secteur n'est pas dans les orientations du Gouvernement, mais la limitation dans le temps en fait partie. Et les obligations de qualification et de vérifications sont des pistes de travail que nous allons mettre en œuvre". Pour sa part, la mission en charge du rapport évoquent trois éléments qui limitent la portée des arguments prônant cette exclusion : "la part des artisans AE dans le total des entreprises en chiffres d'affaires, est modeste, y compris dans le bâtiment (15%, ndlr) ; les écarts de cotisations entre les deux régimes se sont réduits depuis le PLFSS 2013 ; enfin, il n'existe pas de motif objectif de traiter l'artisanat différemment du commerce, et l'artisanat du bâtiment différemment des autres secteurs de l'artisanat".

 

De même, à la question de savoir pourquoi la notion de "concurrence déloyale" a été écartée, elle répond : "La mission n'a pas regardé de manière approfondie la question de la concurrence déloyale". En effet, le texte indique que "le terme de concurrence déloyale est [en conséquence] inadapté". La messe est dite…

 

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