ENTRETIEN. Catherine Jacquot, président du COnseil national de l'ordre des architectes (CNoa), réagit à l'interview de Jacques Mézard dans Batiactu. Et s'inquiète de voir l'obligation de concours d'architecture pour les OPH entrer dans la négociation entre les pouvoirs publics et le monde HLM.

Batiactu : Quelles réactions suscite chez vous l'interview de Jacques Mézard qui défend son plan Logement dans Batiactu ?
Catherine Jacquot :
Il y a beaucoup de points positifs dans le plan Logement. Notamment la volonté de dynamiser la construction en zones tendues, et de cibler plutôt les réhabilitations en zones détendues. Je remarque aussi que les pouvoirs publics veulent procéder à la réforme du monde HLM en deux ou trois ans. Nous pensons effectivement qu'il faut éviter toute brutalité et maintenir les ressources des bailleurs sociaux. Rien ne doit ralentir les opérations de construction et de réhabilitation alors que les besoins en logement sont si importants. Le modèle économique du logement social doit évoluer ; rappelons aussi que le monde HLM a un rôle fondamental dans le secteur de la construction en France et nous l'avons toujours soutenu. Cependant, nous ne voulons pas que l'architecture fasse les frais de l'opposition qui existe entre les pouvoirs publics et l'USH.

 

Batiactu : Que voulez-vous dire ?
Catherine Jacquot :
Nous savons que certains responsables du mouvement HLM, dans leurs négociations actuelles avec le ministère de la Cohésion des territoires, souhaiteraient mettre fin à l'obligation du concours d'architecture auquel sont soumis les OPH, mettre fin à la loi MOP et aux procédures qui consistent à choisir un projet plutôt qu'un prix. Or, il y va de la survie de nos agences. Ce n'est pas au détriment des architectes que nous allons résoudre les problèmes économiques de la filière du logement social.

 

Batiactu : La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) a demandé un maintien du dispositif Pinel dans la zone B2, de manière transitoire - le plan Logement souhaite l'en supprimer dès le 1er janvier 2018. Soutenez-vous cette proposition ?
Catherine Jacquot :
Cela serait une bonne chose que cette période transitoire soit validée, au moins sur les opérations qui auront déjà été lancées au 31 décembre 2017. Nous nous félicitons par ailleurs du souhait gouvernemental de revitaliser les centre-bourgs. Pour atteindre cet objectif, nous pensons d'ailleurs qu'il serait efficace de faire appel à l'investissement privé, car les financements publics ne sont pas extensibles. Nous proposons donc d'introduire un outil fiscal, de type Pinel, pour la réhabilitation des centre-bourgs, sur certaines zones.

 

Batiactu : Quelles sont vos propositions pour plus généralement doper la construction et la rénovation de logements ?
Catherine Jacquot :
Nous avions récemment proposé au ministère de la Cohésion des territoires la création d'un permis de construire déclaratif. Il consisterait en ceci : quand un particulier ferait appel à un architecte en-dessous du seuil obligatoire de 150m², le permis deviendrait déclaratif. Il n'y aurait pas d'instruction, il serait automatiquement accordé. Par ailleurs, nous militons pour la réalisation, avant toute rénovation énergétique, d'un diagnostic global préalable par un architecte. Nous souhaiterions que le coût de ces études puisse être compris dans le Crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Ces études ont un prix faible par rapport au coût des travaux, et elles participeraient à entraîner des particuliers dans la rénovation énergétique en améliorant la qualité d'usage et la valeur du bien.

 

Batiactu : Dans l'interview de Jacques Mézard, il est également beaucoup question de simplification normative…
Catherine Jacquot :
L'idée de faire confiance aux professionnels en substituant à l'obligation de moyens une obligation de performance (ou de résultat) est un bon signal pour nous. Mais je rappelle que nous attendons toujours un deuxième décret sur le permis de faire. Il est censé étendre l'application de ce dispositif à des champs d'application autres que la sécurité et l'accessibilité, dont notamment l'environnement. Le ministère de la Cohésion des territoires est d'accord pour acter cet élargissement, mais il hésite encore à sortir un deuxième texte ou à réécrire le premier. Quoi qu'il en soit, il faut qu'un texte sorte sur ce sujet : nous avons des projets dans les cartons, et aujourd'hui nous perdons du temps. Si on nous laisse innover et expérimenter, il sera plus facile, dans un second temps, de réécrire le Code de la construction et de l'habitat, comme le souhaite le ministère.

 

Batiactu : La simplification des normes vous paraît un passage indispensable pour avancer ?
Catherine Jacquot :
Oui, bien sûr, mais nous pensons toutefois que les règles restent tout à fait indispensables pour garantir la qualité environnementale du cadre de vie, la sécurité des biens et des habitants, et nous souhaitons que les expérimentations soient conduites dans un cadre très strict. L'Etat doit garder son rôle de régulateur. Mais aujourd'hui, les règles et normes sont clairement trop contraignantes. Il y a quatre mille normes à respecter pour construire un logement, jusqu'à la hauteur des poignées de portes, la taille d'une salle de bains au centimètre près… Nous ne pouvons plus continuer comme ça.

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