A l'approche de l'élargissement de l'Union européenne, Rudi Pawelka se bat résolument pour ses compatriotes allemands qui veulent récupérer maisons et terrains de famille abandonnés en Pologne lors de leur expulsion après la Seconde guerre mondiale.

A la tête de la "Treuhand prussienne", une société à responsabilité limité fondée en 2003 pour plaider devant la justice les demandes allemandes d'acquisition de biens dans les anciens territoires du IIIe Reich, il dit représenter "moins d'un millier" d'Allemands de Silésie, Poméranie ou Gdansk.
La législation polonaise les empêche temporairement d'acquérir les biens que leurs parents ou eux-mêmes ont laissés, affirme Rudi Pawelka dans un entretien à l'AFP.

Après l'élargissement, il faudra en effet attendre jusqu'à douze ans pour qu'ils puissent en devenir propriétaires. Cette disposition négociée avec Bruxelles doit éviter un afflux d'investisseurs étrangers en Pologne qui pourrait déstabiliser le marché immobilier.
"C'est discriminatoire et contraire à l'esprit européen", proteste le directeur de la Treuhand prussienne, nommée ainsi en allusion à la Treuhand, un organisme fondé après la chute du Mur de Berlin pour privatiser les biens publics de l'ex-RDA.

Et ce n'est pas sa seule référence historique. Rudi Pawelka va jusqu'à comparer son combat à celui de la "Jewish Claims Conference", fondée après la guerre pour la restitution des biens confisqués aux juifs par les nazis.
"Je ne comprends pas cette peur que nous déclenchons en Pologne, où les médias brandissent le chiffre de 30.000 Allemands intéressés", affirme-t-il.
"Nous ne voulons chasser aucun locataire, nous voulons juste régler un problème juridique qui risque de causer des tensions", relève l'Allemand né en 1940 à Wroclaw (anciennement Breslau), en Silésie. Cet ancien officier de police à la retraite, imbattable sur l'histoire de la Silésie, n'a aucune revendication immobilière personnelle.

Parmi les cas qu'il défend, il aime citer celui d'Ingeborg S. et de sa mère. Ces femmes d'origine allemande ont émigré en RFA en 1980 - ce qui leur a coûté la nationalité polonaise. Toujours propriétaires d'un immeuble d'après le cadastre, elles ont fait rénover le bâtiment qui a été "repris" depuis par la municipalité de Glogowek en Silésie.

Un autre exemple est celui de Klaus G., dont la famille a fondé en 1835 une usine de céramique située aujourd'hui à quelques kilomètres à l'est de la frontière germano-polonaise. "Ce septuagénaire pourrait y investir de l'argent, ce serait une aubaine pour cette région si pauvre", explique M. Pawelka, qui multiplie les contacts politiques pour faire avancer sa cause.

Il menace aussi, au lendemain du 1er mai, de la porter devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Cette dernière n'a-t-elle pas condamné en janvier l'Allemagne réunifiée pour avoir exproprié sans indemnisation cinq propriétaires de biens fonciers en ex-RDA ?

Un risque d'escalade vu d'un mauvais oeil à Berlin. "La Treuhand prussienne n'a rien à voir avec la politique du gouvernement allemand (...) Nous ne devons pas accepter que cette affaire pèse sur nos relations et le projet européen", a récemment affirmé le chef de la diplomatie allemande Joschka Fischer.

La Fédération des expulsés, qui représente l'ensemble des Allemands déplacés à la fin de la guerre, a aussi pris ses distances, en affirmant qu'elle ne soutenait ni les objectifs ni les activités de la "Treuhand prussienne".

La presse de Varsovie crie à "l'agression juridique" ou à "la chasse au territoire perdu". Craignant une offensive, les autorités polonaises semblent réfléchir à une parade. Elles travaillent par exemple à une estimation officielle des destructions de la Wehrmacht à Varsovie, qui s'élèverait à l'équivalent de plus de 25 milliards d'euros...

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