L'école explose en ses murs: les nouvelles réformes pédagogiques, qui encouragent le travail en équipe, et l'utilisation de l'ordinateur, mettent en évidence l'inadaptation de certains bâtiments scolaires, et de leurs classes traditionnelles en rangs d'oignons.

Les collectivités locales, responsables de la construction des locaux scolaires, et les architectes doivent "prendre en compte les changements profonds que connaît le système éducatif", a déclaré jeudi le ministre de l'éducation nationale Jack Lang lors d'un colloque sur "l'architecture et la pédagogie" à Paris.

Il a souhaité que la définition pédagogique d'un établissement scolaire et sa conception spatiale soient "mieux articulés" et que les utilisateurs, enseignants et élèves qui y passent l'essentiel de leur temps, soient associés aux "choix" de conception des bâtiments.

"Nous vivons une mutation sans précédent, avec la mise en place des travaux personnels encadrés, l'arrivée des nouvelles technologies et l'éclatement du traditionnel " groupe classe "", souligne Jacques Besancenot, proviseur du lycée Picasso à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne).

"Les élèves se retrouvent parfois seuls pour travailler, ou en petits groupes, ou encore en amphithéâtre. Il faut aussi des lieux nouveaux pour la vie sociale et citoyenne des lycéens en dehors des cours, pour l'accueil des parents, et malheureusement tous nos établissements scolaires ne répondent pas à ces défis", ajoute-t-il.

En France, le patrimoine immobilier scolaire date majoritairement de "la première grande vague de construction de la fin du 19e siècle et des années 40-50", selon l'historienne de l'architecture Anne-Marie Chatelet.

Au cours des 20 dernières années, il a néanmoins subi un lifting considérable après l'action des conseils généraux et régionaux qui ont investi massivement dans la rénovation du parc immobilier, après avoir hérité de l'entretien de locaux vétustes dans les lois de décentralisation.

On a vu ainsi fleurir dans toutes les régions de magnifiques lycées ou collèges, offrant des coursives rutilantes, des patios colorés, et des couloirs inondés de lumière, et beaucoup plus de convivialité que les austères lycées de pierre de taille de Jules Ferry.

Dans certains collèges, "nous avons même prévu un bureau pour deux ou trois professeurs", au lieu de la traditionnelle salle des profs, bondée et enfumée, qui est un frein au lancement de projets pluridisciplinaires, puisque les profs ne peuvent pas véritablement y travailler, seuls ou en groupe, souligne Jean-Michel Sirvine, inspecteur d'académie dans les Hauts-de-Seine.

Mais ces beaux exemples d'architecture, montrés dans une exposition organisée par l'institut français d'architecture (IFA) inaugurée jeudi à la Sorbonne, sont encore loin d'être la règle générale.

"Pour construire un lycée ex-nihilo il faut trois ou quatre ans, une fois que le choix de l'implantation est résolu", souligne Odette Boivin, présidente de la commission "formation et recherche" du conseil régional de Provence Alpes Côte d'Azur. "Et les délais de la commande publique ne sont pas compatibles avec les délais de mise en oeuvre des réformes pédagogiques. Cela nous pose d'énormes difficultés. Il est certain que nous avons des établissements qui ne sont pas adaptés", ajoute-t-elle.

Pour pallier ce défaut, induit par la décentralisation, le ministère a d'ailleurs proposé jeudi la création d'une "structure de concertation" en amont entre les régions et le ministère de l'éducation nationale.

actionclactionfp