Dénoncé à plusieurs reprises par les architectes, le seuil obligatoire du recours à l'architecte à 170 m2 est remis en cause dans un rapport gouvernemental. Celui-ci préconise sans détour un abaissement de la surface plancher à 150 m2. Explications.

Plus d'un an après la mise en place du décret sur le calcul de la surface de plancher entraînant le recours obligatoire à l'architecte, une mission a évalué le dispositif. Et le constat est sans appel : " Il convient de baisser le seuil à 150 m2 de plancher (NDLR : au lieu des 170 m2 actuellement)", précise l'enquête menée pour le compte du ministère de la Culture.

 

Une réclamation portée par le Conseil national de l'ordre des architectes depuis l'introduction de la notion d'emprise au sol constitutive de la surface plancher du 7 mai 2012 (voir encadré). Mais comment la mission est-elle parvenue à cette conclusion ? Tout d'abord, elle s'est attardée sur la définition du seuil. Ainsi, "la mission estime qu'il n'est pas raisonnable de considérer la combinaison de la surface de plancher et de l'emprise au sol, qui complique beaucoup les calculs surtout pour les particuliers qui conçoivent eux-mêmes leur maison". La mission "préconise donc de s'en tenir à la surface de plancher, mais avec un niveau de seuil correspondant grosso modo à l'équivalent de 170 m2 SHON". Après plusieurs études de cas sur des maisons s'appuyant sur la RT 2012 avec des épaisseurs de murs différentes, soit 45 cm pour certaines propriétés et entre 32 et 37 cm pour d'autres, la mission a donc procédé à sa recommandation d'abaissement du seuil. Une décision qui réjouit les architectes même si ces derniers se montrent prudents : "Comme l'a précisé Aurélie Filippetti, les conclusions de la Mission vont maintenant faire l'objet d'échanges interministériels et d'un arbitrage. Il conviendra donc de se montrer vigilant sur les suites données à ce dossier", souligne le Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) sur son site Internet, en espérant être entendu par la ministre du Logement. Reste que les constructeurs de maisons individuelles craignent que cette mesure soit un frein à l'accession à la propriété, du fait du coût engendré par le service de l'architecte. D'ailleurs, la mission l'affirme : "Les prix au m2 sont significativement inférieurs pour les maisons de constructeurs de maisons individuelles que pour les maisons d'architectes, qui font du 'sur mesure'". Pour l'Union des maisons françaises (UMF), l'accession, qui s'organise autour du coût de construction, du coût du terrain ainsi que de celui de la RT 2012, pourrait en pâtir.

 

Le seuil et la surface plancher, variables du marché de la maison
Car il faut le souligner, la réforme du calcul de la surface de plancher sur le seuil dispensant le recours obligatoire à un architecte touche forcément l'activité de la maison individuelle en France, qui représente hors maisons groupées, 35 % des logements autorisés, et 70 % des logements individuels. Côté répartition, les constructeurs de maisons couvrent 58% du marché, les architectes 4%, et particuliers sont 27% à réaliser eux-mêmes leur maison. Si les constructeurs de maisons individuelles gèrent les biens allant de 95 à 125 m2, les architectes s'occupent des maisons allant de 135 à 175 m2. "Concernant le seuil de 170 m2, on constate un pic de production juste en dessous du seuil, qui traduit un désir de ne pas avoir recours à l'architecte. On constate également que les architectes occupent 3 % du marché en dessous du seuil et 13 % au dessus (il s'agit là de la mission complète et non du simple permis de construire)", précise le rapport.

 

Désormais, la mission est achevée, et l'ensemble des conclusions est entre les mains des ministères. Et que ce soient les architectes ou les constructeurs de maisons individuelles, chacun aura à cœur de défendre son point de vue. Le bras de fer semble donc relancé…

 


Retour sur la surface plancher et le seuil du recours à l'architecte
La loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture oblige le recours à l'architecte pour toute construction. Les décrets d'application successifs ont établi à 170 m2 de surface hors oeuvre nette (SHON) le seuil à partir duquel le recours à l'architecte est obligatoire. Le code de l'urbanisme, pour sa part, a modifié progressivement le calcul de la SHON, sans en changer l'esprit général. Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, et afin de ne pas pénaliser les constructions à murs épais, qui permettent une meilleure performance énergétique, la loi du 12 juillet 2010 a fait disparaître la SHON au profit de la surface plancher calculée au nu intérieur des bâtiments, donc sans l'épaisseur des murs. Elle sert de référence pour vérifier la constructibilité d'un projet au regard des règlements d'urbanisme, et notamment des COS (coefficient d'occupation des sols) maximaux. Le décret du 7 mai 2012 a introduit une notion complexe, et qui fait débat, celle de l'emprise au sol constitutive de surface de plancher.

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