Le Conseil d'Etat a rendu une décision qui concerne les ICPE : l'obligation de remise en état d'un terrain pollué ne se prescrit pas par 30 années. Car cette prescription ne s'oppose pas à l'autorité préfectorale de police spéciale des installations classées pour agir "à toute époque". Une fausse idée voulait jusqu'alors que, depuis un arrêt de juillet 2005, l'obligation de remise en état se prescrive par trente ans, par inspiration du Code civil.

Dans un arrêté rendu le 12 avril 2013, le Conseil d'Etat confirme les possibilités données aux préfets d'exercer leurs pouvoirs de police spéciale des installations classées (ICPE) pour obliger la remise en état d'un terrain pollué suite à la cessation de l'activité par un exploitant, après le délai de prescription de 30 ans. La Haute juridiction rappelle qu'en droit administratif, une obligation de police ne se prescrit pas. Un rappel utile, selon Me Arnaud Gossement, qui explique sur son blog qu'une controverse était apparue en juillet 2005 suite à la publication de l'arrêt "Alusuisse-Lonza-France". Suite à cet arrêt, une fausse idée s'était répandue que l'obligation de remise en état se prescrivait par 30 ans, par inspiration d'un principe du Code civil (article 2262). Le texte imposait une distinction entre l'obligation de remise en état elle-même et la charge financière attachée à cette obligation.

 

L'administration contrainte d'agir à l'encontre du débiteur
Le nouvel arrêté clarifie la situation en ces termes : "Considérant qu'en statuant ainsi, alors que la prescription trentenaire susceptible d'affecter l'obligation de prendre en charge la remise en état du site pesant sur l'exploitant d'une installation classée (…) est sans incidence, d'une part, sur l'exercice, à toute époque, par l'autorité administrative des pouvoirs de police spéciale conférés par la loi en présence de dangers ou inconvénients se manifestant sur le site où a été exploitée une telle installation, et, d'autre part, sur l'engagement éventuel de la responsabilité de l'Etat à ce titre". Pour l'avocat, "non seulement l'administration n'est pas interdite mais elle est en réalité contrainte d'agir à l'encontre du débiteur de l'obligation de remise en état d'une ICPE sans qu'aucune prescription ne puisse être opposée". Une mesure qui serait destiné à décourager les débiteurs à "jouer la montre" pour tenter d'échapper à leur devoir mais qui risque également de créer des stratégies d'évitement notamment en faisant disparaître la société exploitante.

 

Le Conseil d'Etat avait été saisi en 2009 dans le cadre d'une affaire opposant une société civile immobilière à GDF Suez, ce dernier lui ayant vendu, en 1989 un ensemble immobilier dont le sous-sol renfermait des installations gazières hors-service. Devant les refus de GDF Suez et des autorités de prendre en charge les conséquences de la pollution, le juge des référés du tribunal administratif avait été consulté pour prescrire une expertise sur l'origine et l'ampleur de cette pollution et sur le coût d'une remise en état. Cette décision avait été rejetée en appel mais pourrait aujourd'hui, à la lumière de la nouvelle jurisprudence, être remise en cause.

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