URBANISME. La Ville de Paris, des bailleurs de la capitale et des promoteurs privés ont signé le 26 août 2019 une charte pour le développement de l'occupation temporaire. La municipalité ne veut plus voir d'espaces gelés dans l'attente d'un permis de construire.

C'est à la "Lingerie", coeur battant du site Saint-Vincent-de-Paul que la Ville de Paris a décidé de poser son pupitre. Ce lundi, élus, bailleurs sociaux et promoteurs privés se sont succédés pour signer une "charte en faveur du développement de l'occupation temporaire comme outil au service du territoire parisien".

 

Sévissant depuis 2015, le projet des Grands Voisins fondé sur l'occupation temporaire d'un ancien hôpital a permis la création de 600 places d'hébergement d'urgence, et ouvert ses portes à des associations, artisans et start-ups pour un loyer bien en dessous des prix du marché. Mais depuis un an, le projet s'étale sur une superficie plus réduite de 10.000 m2 contre les 20.000 octroyés lors de la première saison. Plateau urbain, Yes We Camp et Aurore qui animent ce projet laissent progressivement la place aux grues, avant de rendre définitivement les clés à l'été 2020.

 

"Nous devons avoir d'autres lieux sur lesquels rebondir dans l'avenir"

 

Abriter des activités, de l'emploi ou de l'hébergement social au sein d'un site entre le moment de son acquisition et la signature du permis de construire, c'est ce que cherche à développer la mairie de Paris. Une manière d'offrir de nouveaux lieux culturels et festifs, et de trouver quelques issues aux crises du mal-logement et du sans-abrisme. Dans la charte présentée lundi, les signataires s'engagent à adapter les redevances aux moyens des différents occupants, de diversifier les activités et d'évaluer les projets d'occupation temporaire. En échange, les autorités publiques accélèrent les procédures d'autorisation d'ouverture de ces lieux au public.

 

Pour des acteurs associatifs à l'image d'Eric Pliez, président de l'association Aurore (hébergement, accompagnement et insertion des publics précaires), la page des Grands Voisins ne doit pas être une fin mais bien un début. "Nous savons partir quand on nous demande de partir, mais le temps nous est compté et nous devons trouver d'autres lieux sur lesquels rebondir dans l'avenir", avertit-il.

 

Pour les propriétaires, bailleurs sociaux ou promoteurs privés, le modèle serait "gagnant-gagnant", affirme Sophie Rosso, directrice des opérations chez Quartus à Batiactu. Pour des artistes ou acteurs associatifs, ces lieux apportent un nouveau souffle au Paris saturé, des places en hébergement d'urgence ou des locaux à un loyer modéré. Pour le promoteur privé, une occupation moyennant redevance reste toujours plus intéressante qu'un lieu fantôme où seul règne le bruit de pas d'un maître-chien.

 

Préfiguration des usages

 

Mais l'intérêt se trouve ailleurs, à entendre Sophie Rosso qui voit dans l'occupation temporaire un outil de "préfiguration des usages". En ouvrant les friches au public, celles-ci deviennent des laboratoires où puiser des idées pour le projet en dur, quand la mixité est devenu maître-mot des opérations résidentielles ou tertiaires.

 

Cela a tout de même un coût. Acquises par Quartus en 2016, l'ancienne orfèvrerie Christofle à Saint-Denis a été investie par des artistes, designers, architectes et urbanistes dans le cadre d'une occupation temporaire. Tout en instaurant des redevances individualisées en fonction des moyens des locataires, Quartus n'a pas toujours été à l'équilibre: "les locaux étaient en très mauvais état et beaucoup de travaux se sont avérés nécessaires", confie Sophie Rosso. Dans un lieu classé monument historique, le bâtiment le plus emblématique sert de lieu de tournage à la société de production Warner Bros, et constitue aujourd'hui la plus grosse source de revenus pour Quartus. D'autant que "l'idée n'est plus d'investir des lieux remarquables ou classés, mais également le tout-venant", prédit Sophie Rosso.

 

 


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