ANALYSE. Le repérage amiante avant travaux dans les bâtiments, à peine passé dans la loi via un arrêté, a été en partie vidé de sa substance après avoir été attaqué plus ou moins directement par deux sociétés de diagnostic immobilier. Les organisations professionnelles de la filière appellent les pouvoirs publics à réagir rapidement pour rétablir l'exigence initiale du dispositif.

Ce n'est pas une, mais deux fois que l'arrêté "repérage amiante avant travaux dans le bâtiment", publié le 18 juillet 2019, a pris du plomb dans l'aile. Une première fois, indirectement, à la suite du recours de la société Tekimmo contre l'arrêté du 16 juillet 2016 créant une certification "avec mention" pour les professionnels pratiquant le repérage amiante (voir l'encadré en fin d'article sur les raisons de cette décision). Cette même certification qu'imposait le plus récent arrêté sur le repérage amiante avant travaux dans les immeubles bâtis - un texte attendu de longue date par les professionnels.

 

Un repérage applicable, mais boiteux

 

La deuxième banderille a été plantée par la société AC environnement, qui a attaqué de front l'arrêté "repérage" avec succès, puisque le Conseil d'État a décidé fin août de suspendre l'application de deux de ses articles, permettant ainsi au repérage avant travaux de subsister, mais sans qu'il ne soit plus nécessaire d'être certifié "avec mention". Un texte en préparation devrait visiblement, à partir du 1er janvier 2020 prochain, introduire un régime moins exigeant, de manière à parvenir par paliers à l'exigence définitive.

 

 

La société AC environnement s'est félicité par communiqué de presse de ce résultat. Cette disposition, selon eux, "imposait du jour au lendemain le recours obligatoire à un opérateur de repérage certifié amiante avec mention pour réaliser un repérage amiante avant travaux, ce qui était matériellement irréalisable pour les entreprises du secteur et économiquement difficilement supportable".


"Les patrons responsables font le choix de la certification avec mention"

 

Pourtant, l'unanimité est loin d'être faite sur ce sujet du côté des diagnostiqueurs. Ainsi, la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier (Fidi) a dégainé dès le 3 septembre dernier, assurant que les "patrons responsables [faisaient] le choix de la certification avec mention". Une exigence considérée comme "indispensable" par l'organisme, qui "permet de garantir l'intervention de techniciens formés et expérimentés pour permettre la livraison de repérages exploitables auprès du maître d'ouvrage ou de tout autre professionnel de l'amiante". Regrettant la décision d'AC environnement d'attaquer le texte, la Fidi assure que "la très grande majorité de nos adhérents et non adhérents ont anticipé pour répondre à ces obligations", le texte ne pouvant ainsi être accusé de tout chambouler du jour au lendemain. "Nous attendons des pouvoirs publics un arrêté permettant de rétablir en urgence la situation de la prévention liée au risque amiante", conclut la fédération.

 

"Le temps presse", pour la Fnaim

 

Le message est sensiblement le même du côté de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la Fnaim, qui a rédigé un courrier à l'attention de la DGT pour préciser sa position. "Mes confrères entrepreneurs et opérateurs veulent accompagner sereinement les donneurs d'ordre dans tous les projets de travaux de rénovation en cours", y assure son président, Thierry Marchand. C'est en effet à ce prix que le dispositif de repérage amiante sera "fiable et incontestable". La Fnaim assure également que "le temps presse pour qu'un nouvel arrêté amiante avant travaux non discutable dans sa forme puisse être publié dans les prochains jours". "Le repérage amiante avant travaux sera nécessaire dans le chantier immense à venir de la rénovation énergétique de nos bâtiments appuyé par les ambitions légitimes de la puissance publique. Cette rénovation est vitale pour le parc immobilier français et impossible sans un dispositif de repérage amiante fiable et incontestable. Il est urgent d'être en ordre de marche maintenant."

 

Gratuité de la norme amiante, l'Afnor répond à Batiactu
Si l'arrêté de la certification "avec mention" de juillet 2016 a été retoqué par le Conseil d'État, c'était notamment parce qu'il s'appuyait sur le texte d'une norme. Problème : celle-ci est d'accès payant. Il a ainsi été considéré comme illégal d'imposer aux professionnels le recours à un texte qui ne serait pas en libre accès. L'Agence française de normalisation (Afnor) ne peut-elle pas rendre ce texte gratuit ? Contactée par nos soins, elle a tenu à apporter cette réponse : "Les normes sont d'application volontaire. Par voie d'exception, l'article 17 du décret n°2009-697 relatif à la normalisation dispose que les normes peuvent être rendues d'application obligatoire par arrêté signé du ministre chargé de l'industrie et du ou des ministres intéressés. Ces normes rendues d'application obligatoire sont consultables sur le site Afnor sous réserve des droits de propriété intellectuelle détenus par les organismes européens ou internationaux de normalisation sur les normes d'origine européenne ou internationale. Aucun accord n'existant actuellement avec ces organismes pour la consultation gratuite générale de ces normes, il n'est donc pas possible de les consulter gratuitement sur le site Afnor."

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