PORTRAIT. Pour la 8e édition des Global Award of Sustainable Architecture, cinq nouveaux lauréats ont été désignés. Ce prix dédié à la construction durable, se fait fort, chaque année, de privilégier des projets qui abordent la gestion des ressources, l'accès au développement ou encore le destin de l'habitat populaire. Portraits.

Placé depuis 2011 sous le patronage de l'Unesco, les Global Award of Sustainable Architecture récompensent chaque année "un(e) architecte engagé(e) dans la recherche d'une architecture contemporaine intégrée à une société éthiquement et socialement consciente, innovante dans le domaine des énergies, de l'écologie, des matériaux et des technologies, progressiste par sa recherche de nouveaux standards d'habitat et d'équipement."

 

Plus qu'un Prix, ils revendiquent être un "instrument d'observation et de fédération". Observation des grandes transitions qui s'opèrent dans le monde, à travers la gestion des ressources, l'équité dans l'accès au développement, la définition du progrès, les migrations urbaines ou encore le destin de l'habitat populaire… Autant de grandes questions soulevées année après année, et qui s'enrichissent d'autres au fil des éditions de ce concours.

 

Cinq lauréats, cinq nouveaux questionnements
Cette année encore, le travail de réflexion s'est poursuivi, grâce à Christopher Alexander, figure de la théorie architecturale et qui s'est demandé "comment transposer les qualités spatiales de l'architecture et de la ville vernaculaires dans des laboratoires de conception collective". En effet, selon lui, l'habitat et la ville vernaculaires procurent à l'homme une hospitalité que la ville moderniste est incapable de reproduire. Qu'ils ne sont pas "informels" mais formés des structures et de modèles, à l'origine de leurs qualités. Il préconise une analyse de ces structures spatiales, afin de les ré-introduire ensuite dans un processus de construction participatif.

 

"Comment ne pas être seulement contre?", s'interroge quant à elle l'architecte mexicaine Tatiana Bilbao, face aux choix politiques et industriels faits par son gouvernement… Son homologue tchèque, Martin Rajnis part du principe que la ville fonctionne comme un zoo, dans lequel on a supprimé toute zone d'échange. D'où une architecture en symbiose avec la nature et l'utilisation massive du bois. Enfin, les deux autres lauréats ont abordé la question du réchauffement climatique, sous deux angles différents. Le premier, l'allemand Bernd Gundermann en a étudié son impact sur les aires côtières et portuaires, tandis que le néerlandais Adriaan Geuze s'interroge sur la façon de concevoir en composant avec le réel.

 

Preuve que l'architecture durable a encore de beaux jours devant elle.

 


Palmarès 2014
Christopher Alexander, Arundel, Angleterre
Tatiana Bilbao, Mexico, Mexique
Bernd Gundermann, Auckland, Nouvelle-Zélande
Martin Rajnis, Prague, République Tchèque
Adriaan Geuze, West 8, Rotterdam, Pays-Bas

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Christopher Alexander

Global awards 2014
Christopher Alexander, 2014 © Center for Environnemental Structure
Christopher Alexander, né à Vienne (Autriche) en 1936, a rejoint l'Angleterre en 1938. Mathématicien et architecte, il a passé à Harvard son doctorat d'architecture en 1961. Professeur d'Architecture à l'Université de Californie, Berkeley, il y a enseigné de 1963 à 2001, et fondé en 1976 le Center for Environnemental Structure en 1967, pour promouvoir l'expérimentation de la construction aussi bien que la théorie des structures et le projet participatif. Il a publié un nombre très important d'ouvrages, plusieurs devenus des références de la théorie architecturale. Sa théorie des "Pattern Languages" n'a pas seulement influencé la pensée architecturale, mais le monde des sciences cognitives et informatiques. Il est membre de l'American Academy of Arts ans Sciences depuis 1996. Il vit aujourd'hui dans le Sussex, en Angleterre.

Théorie de l'architecture

Global awards 2014
Christopher Alexander, 2014 © Center for Environnemental Structure
Christopher Alexander entreprend de construire une
théorie de l'architecture qui s'oppose, au nom de l'homme, au
fonctionnalisme et à l'industrialisation à laquelle elle a lié son
destin. Les choses se font patiemment. Christopher Alexander
suit un raisonnement scientifique, qui procède par hypothèses,
expériences, théorisation, itératif.

Conception décentralisée

Global awards 2014
Christopher Alexander, 2014 © Center for Environnemental Structure
En 1965, la publication du texte « Une ville n'est pas un arbre »
poursuit le propos et oppose au système urbain hiérarchisé une
conception plus décentralisée.

Tatiana Bilbao

Global awards 2014
Tatiana Bilbao, 2014 © Adam Weisman
Tatiana Bibao est née en 1972 à Mexico. Diplômée de l'Université
ibéro-américaine de Mexico en 1996, elle devient en 1998
conseiller au Département du Développement Urbain et de
l'Habitat du District fédéral de Mexico. En 2000, elle crée avec
Fernando Romero le LCM/Laboratorio de la Ciudad de Mexico,
agence et plate-forme de débat et d'exposition à Mexico. En 2004,
elle fonde l'agence Tatiana Bilbao SC, et le centre de recherches
MXDF avec les architectes Derek Dellekamp, Arturo Ortiz and
Michel Rojkind. En 2005, elle devient professeur d'architecture
et d'urbanisme à l'Université ibéro-américaine de Mexico, puis
professeur invité à l'Université Andrés Bello, à Santiago du
Chili en 2008. Tatiana Bilbao a reçu le Prix Emerging Voices de
l'Architectural League de New york en 2009; le Prix de l'Académie
des Arts de Berklin en 2012; elle occupera en 2015 le Louis Kahn
Visiting Professorship à l'université de yale, Etats-Unis.

Stratégies archaïques

Global awards 2014
Tatiana Bilbao, 2014 © Iwan Baan
"Mes stratégies de conception sont plutôt archaïques et
simples. J'ai toujours travaillé avec mes mains, pour construire des
maquettes, dessiner."

Chantier artisanal

Global awards 2014
Tatiana Bilbao, 2014 © Iwan Baan
"A mon bureau, nous n'utilisons des ordinateurs que lorsque le processus de conception est presque fini. Sur un chantier au Mexique, c'est pareil : nous n'avons pas les dernières technologies, de machines ni de matériaux hi-tech - le chantier reste très artisanal".

Bernd Gundermann

Global awards 2014
Bernd Gundermann, 2014 © Urbia Group
Bernd Gundermann est né en 1957 à Lübeck, Allemagne. Il a étudié les géo-sciences à l'université de Hambourg puis l'architecture à l'Ecole des Beaux-Arts. Il a consacré l'essentiel de sa première carrière à l'architecture et à l'aménagement urbain, avec la direction du master-plan pour la rénovation du Port de Hambourg, Hanseatic Trade Center in Hamburg. Installe désormais à Auckland, il a fondé le centre de recherche et d'études Urbia Group, qui regroupe des chercheurs de 10 disciplines.

Franchir une étape

Global awards 2014
Bernd Gundermann, 2014 © Urbia Group
Pour Bernd Gundermann, "beaucoup de personnes sont dans le déni du
changement climatique et beaucoup d'autres restent bloquées sur
des scénarios d'horreur dystopiques. Je voudrais faire franchir une
étape : prendre le changement climatique comme un donnée
et étudier ses possibles. et si les villes parvenaient à composer
avec leur environnement naturel et ses mutations? et si cela leur
permettait d'offrir plus de qualité aux habitants?"

Expert

Global awards 2014
Bernd Gundermann, 2014 © Urbia Group
Après quelques années d'acclimation à Hambourg, l'architecte a élargi son champ d'action et est devenu un expert du réchauffement climatique.

Martin Rajnis

Global awards 2014
Martin Rajnis, 2014 © M-RAK
Martin Rajnis est né en 1944 à Prague. Il commence ses études en
en 1962 à l'Université Technique de Prague (CVUT) puis à l'École
d'architecture AVU, où il obtient en 1972 un diplôme qu'il a préparé
aussi au SIAL de Liberec. Il travaille avec le SIAL jusqu'en 1979 puis
intègre le Studio Shape, jusqu'en 1986, où il crée l'agence D.A. Studio.
Devenu enseignant en 1990 à la VSUP de Prague, puis professeur de
1993 à 1997. Il enseigne aussi à l'Université Technique de Liberec.
Depuis 2001, avec l'agence M-Rak, il se consacre à la réalisation
d'architectures en bois, dont la Tour Scholzberg (2006), la Poste de
Snezka (2007) ou plus récemment le Musée Jara da Cimrman. Martin
Rajnis a été commissaire du pavillon de la République Tchèque à la
Biennale de Venise de 2010.

Liberté

Global awards 2014
Martin Rajnis, 2014 © Martin Rajniš
Des ossatures légères et belles que l'on peut utiliser librement, et le
mot liberté compte beaucoup dans la vision que Martin Rajnis a
de son métier.

Observation

Global awards 2014
Martin Rajnis, 2014 © Martin Rajniš
Martin Rajnis observe, partout, la diversité des manières de concevoir le cadre de vie, observe aussi que les propositions les plus simples se révèlent souvent être les plus adaptées.

Adriaan Geuze

Global awards 2014
Adriann Geuze, 2014 © West 8
Adriaan Geuze, né en 1960 à Dordrecht aux Pays-Bas. Diplômé en
1987 comme paysagiste à l'Agricultural University de Wageningen, il
est co-fondateur la même année de West 8, agence multidisciplinaire
très vite reconnue aux Pays-Bas et à l'étranger. L'agence de Rotterdam
compte plus de 60 personnes et l'équipe de New york, une quinzaine.
Adriaan Geuze s'est engagé très tôt dans l'enseignement, aux Pays-Bas,
en Europe et aux États-Unis, où il a été en particulier visiting professor à Harvard de 1994 à 2007. Il a été éditeur de la revue Archis de 1993 à 2000, membre du board du Netherlands Architecture Institute de 1997 à 2003, commissaire en 2005 de la Biennale Internationale d'Architecture de Rotterdam. Conférencier au long cours, il est aussi aujourd'hui professeur en titre de paysage dans son université d'origine, à Wageningen.

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Global awards 2014
Adriaan Geuze, 2014 © Waterfront Toronto
Questionné souvent sur sa pratique du métier de paysagiste,
Adriaan Geuze n'hésite pas à dire que la ville et le paysage sont
intimement liés au contexte culturel, et que le préalable de tout
projet consiste à cerner ce dernier.

Dimension globale

Global awards 2014
Adriaan Geuze, 2014 © Municipality Madrid
L'attribution du Global Award for Sustainable architecture s'adresse, en particulier, à cette volonté originelle de l'agence d'appréhender l'aménagement urbain et paysager dans une dimension globale, à la lumière d'une culture très particulière, néerlandaise, du paysage et de son entretien.