Initiative du secteur privé ou exemplarité du secteur public, pays précurseurs, place de la France et conséquences du Brexit… à l'occasion du BIM's day 2016, différents acteurs du secteur se sont penché sur la question de la maquette numérique à l'international. Tour d'horizon.

"Profiter des retours d'expériences de ce qui se fait chez nos voisins, proches et moins proches, dans le domaine du BIM", tel était le souhait de Pierre Mit, président de Médiaconstruct, organisateur du BIM's day 2016. Une journée dédiée à la maquette numérique et à la digitalisation de la construction, où de nombreux acteurs ont partagé leurs points de vue sur les pratiques rencontrées à l'international. Et un pays se détache particulièrement.

 

 

De l'importance du volet formation aux nouvelles technologies

 

Paul Boireau, associé Sightline group, relate : "En Asie, Singapour sort du lot. Le BIM est obligatoire depuis 2015, et cela simplifie les choses pour beaucoup, tout le monde doit s'y mettre. Ce mouvement qui s'amorce a été lancé par le gouvernement, qui a légiféré, a mis en place un plan d'actions et débloqué des moyens financiers. Le but, à terme, est de virtualiser la cité-état". Même constat pour Karim Mechri, BIM-manager chez TBI : "A Singapour, il y a une grande aide de l'Etat pour mettre en œuvre les technologies BIM". Ou chez Anis Naroura, autre BIM manager pour Setec TPI : "Le pays a mis en place la soumission électronique du permis de construire depuis 2010-2011 : e-Coronet". Un système de soumission online remis au goût du jour, qui a des équivalents dans d'autres nations, comme la Norvège, le Japon ou la Corée du Sud. Cette dernière serait même très avancée dans la vérification automatique de conformité du projet aux normes et règles en vigueur grâce à la maquette numérique.

 

"L'aspect management prend une place importante dans un projet BIM, la certification est donc nécessaire. Et Singapour est leader depuis 2010, en mettant en place des objectifs, dont certains intermédiaires en 2015", poursuit Anis Naroura. Face au manque de pratique de certains acteurs de la construction, c'est le secteur public qui a donné l'exemple. "Institut de promotion du BIM, programme de formation, insertion dans les programmes universitaires pour que tous les étudiants aient des notions, fonds BIM pour aider les projets et les bureaux d'études à couvrir des frais de consultance, de formation ou d'achat…", énumère-t-il. A Singapour - qui inspire ses voisins immédiats comme la Malaisie et l'Indonésie, qui disposent de moins de moyens et se focalisent sur certains projets emblématiques - la dynamique a donc pris la forme d'un partenariat public-privé, afin de n'oublier personne et de ne pas "contraindre". Autre exemple d'état volontaire, celui du Danemark. Le pays a, lui aussi, légiféré sur la question, en optant pour l'Open BIM et l'adoption de formats IFC, désormais obligatoires pour tous les projets publics, qu'il s'agisse de construction neuve ou d'opération de rénovation. Jan Karlshoej, du chapitre danois de BuildingSmart, explique : "Le taux de sensibilisation à ces technologies est élevé dans le pays, supérieur à 80 % des professionnels. Mais le privé doit prendre le relai de la dynamique lancée par les pouvoirs publics". Il note l'importance de la précision des spécifications demandées par les clients et admet que le Danemark a rencontré des problèmes de compétences au démarrage.

 

L'initiative privée, l'autre moteur du BIM

 

 

"En Europe, les plus innovants ont été les scandinaves", souligne Paul Boireau. "Puis le Royaume-Uni a reconnu l'intérêt du BIM et s'est donné les moyens de ses ambitions. On a assisté à un changement d'échelle". Souheil Soubra, expert du BIM au CSTB, renchérit : "Différents pays européens ont lancé des stratégies gouvernementales, dont la Finlande et la Norvège. Puis le Royaume-Uni, en 2011, qui a été le premier grand pays à faire la bascule". Une ambition affichée qui a permis à Londres de prendre le leadership européen, avant que la France et l'Allemagne ne lui emboîtent le pas, avec quelques années de retard, en lançant le Plan de Transition Numérique du Bâtiment et le "Planen Bauen 4.0". "Mais le Brexit interroge sur ce leadership du BIM en Europe, notamment là où la Grande-Bretagne présidait des commissions… La France a une belle carte à jouer", soutient le spécialiste. Il fait valoir : "Le risque est d'avoir des stratégies divergentes. Il y a matière à mutualiser des choses, tout en gardant des spécificités nationales. L'EU BIM Task group donne une vision croisée des travaux menés dans les différents pays de l'Union : c'est une source d'informations fiables. Mais il n'a pas vocation à travailler sur la normalisation". Souheil Soubra plaide notamment pour une meilleure coordination des travaux européens, au niveau de l'implémentation de la directive sur les passations de marchés publics. Beaucoup de travail reste à faire : en Allemagne, l'initiative Planen Bauen 4.0 est privée, tandis que le gouvernement fédéral s'est contenté de lancer un timide "Agenda digital" en 2014 (à la suite des déboires rencontrés sur des grands chantiers comme l'aéroport de Berlin ou la Philharmonie de Hambourg), afin de soutenir les recherches et les projets pilotes. Une feuille de route 2016-2020 doit être fixée par Berlin, mais, selon Gunter Wölfle, du chapitre germanophone de BuildingSmart, "les autorités locales sont encore hésitantes et ont un besoin urgent de règles". Il résume la situation qui prévaut outre-Rhin : "Le secteur public est en cours de recherches, le secteur privé est au travail mais il n'est pas concerté. Le mouvement du BIM avance grâce aux industriels, pas grâce au gouvernement".

 

Un schéma qui se reproduit en Belgique, où coexistent pas moins de sept gouvernements différents (régionaux et fédéraux), et où aucune réelle politique en matière de BIM n'a été mise en place. Olivier Vandooren, du Centre Scientifique et Technique de la Construction belge, détaille : "Quelques projets seulement sont menés, des ateliers de sensibilisation, et il y a un suivi des activités de normalisation européenne, afin de retranscrire les textes dans le droit belge. Le secteur s'organise seul pour stimuler et encadrer l'utilisation du BIM". Le pays met un point d'honneur à ne pas oublier les PME et artisans qui constituent 70 % du secteur de la construction, "contrairement à la France où les majors sont nombreux". Des exemples à méditer dans l'Hexagone, donc.

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