ASSISES DU LOGEMENT. Après l'effondrement de deux immeubles dans le centre-ville de Marseille, quels sont les grands chantiers de l'Etat pour résorber l'habitat indigne ? Alors que des propositions de loi tombent du Sénat comme de l'Assemblée nationale, l'Etat est aussi attendu sur sa capacité à simplifier des procédures d'actions diverses et complexes. Missionné en ce sens par le Premier ministre Edouard Philippe, le député (LREM) Guillaume Vuilletet était invité à décrypter ces enjeux aux côtés d'Olivier Morzelle, sous-directeur aux politiques de l'habitat à la DHUP.

Près de 7 mois après l'effondrement des immeubles du 63 et 65 rue d'Aubagne à Marseille, le sujet de l'habitat indigne a pris un retentissement tout particulier, notamment à l'échelle politique. Côté parlementaire, le sénateur (LR) Bruno Gilles s'est empressé de soumettre une proposition de loi avec des sanctions durcies, quand le député (PCF) Stéphane Peu proposait de donner davantage de pouvoirs aux maires et présidents d'intercommunalités.

 

Pour l'Etat, l'ironie du sort veut que le ministre du Logement Julien Denormandie annonçait quelques semaines avant le drame de Marseille, le lancement du plan Initiative Copropriétés. Un mois plus tard, le Premier ministre Edouard Philippe missionnait le député de la majorité Guillaume Vuilletet dans l'idée de proposer une "rationalisation" des outils de lutte contre l'habitat indigne.

 

"Nous n'avons sans doute pas suffisamment investi sur ce sujet"

 

Depuis les Assises du Logement, le 24 juin dernier, Olivier Morzelle affirme que l'Etat "n'a pas attendu le 5 novembre pour travailler et faire de ce sujet un enjeu important", tout en concédant que "le phénomène n'a pas été assez suivi". "Si nous en sommes arrivés là, et j'utilise un 'nous' collectif qui inclue l'Etat dans ses services, ses opérateurs et les collectivités partenaires, n'avons sans doute pas suffisamment investi sur ce sujet", regrette-t-il.

 

Au-delà d'une spécificité locale, qui a longuement questionné la gestion municipale de la lutte contre l'habitat indigne, le cas marseillais a montré à l'échelle nationale à quel point le fléau est difficile à saisir. Habitat insalubre, dégradé ou indécent, le phénomène se décrit à travers différents qualificatifs, et se combat à partir d'un panel de 13 polices différentes, déployées par le maire, le président d'intercommunalité ou le Préfet.

 

Mais à l'origine, subsiste un important flou dans la faculté à cerner ce fléau et à la recenser. Entre les chiffres de l'Etat et de la Fondation Abbé Pierre, on constate un écart de plus de 100.000 logements indignes, surenchéri par les Agences régionales de santé (ARS). "Le repérage s'est fait d'une façon méthodologiquement discutable, mais qui témoigne du fait qu'on ne sait pas vraiment où on en est", pointe le député valdoisien Guillaume Vuilletet.

 

Impuissance et autocensure

 

Phénomène aux contours abscons, "enchevêtrement des polices" selon Olivier Morzelle, et difficulté à répartir les compétences institutionnelles, l'habitat indigne va jusqu'à susciter "un constat d'impuissance et une forme d'autocensure" chez les acteurs de terrain, comme l'affirme Guillaume Vuilletet. Une difficulté à engager des procédures qui varie selon les territoires et l'ingénierie locale dont ils disposent. A cela s'ajoute la complexité des procédures juridiques, où il n'est pas rare que la puissance publique soit perdante, face à des propriétaires indélicats qui ont appris à naviguer entre les différents codes législatifs.

 

Passé ce diagnostic qui peut justifier des tentations de "remise à plat", quels sont les dispositifs qui pourraient permettre à l'Etat et aux collectivités d'appréhender le mieux possible les situations à risque ? "Nous avons véritablement besoin de deux choses, une vision un peu plus précise du phénomène et l'assurance que les procédures de polices sont suivies d'actions visant à éradiquer les désordres", liste Olivier Morzelle.

 

Une meilleure communication entre collectivités et Etat en somme, et un peu plus de volonté politique, comme le laisse sous-entendre le député Vuilletet : "il doit y avoir 60 millions de véhicules dans ce pays, nous avons réussi en quelques années à faire sorte que le contrôle technique soit obligatoire et éviter d'avoir des cercueils roulants sur nos routes. Nous savons le faire sur 60 millions de véhicules, et pas sur 30 millions de logements ?".

 


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