RETOURS D'EXPÉRIENCE. A l'occasion d'un petit-déjeuner presse, plusieurs entrepreneurs irlandais sont venus partager avec leurs homologues français leur utilisation du BIM et les enseignements qu'ils peuvent en tirer. Focus sur cette technologie très utilisée chez nos voisins européens.

C'est dans le pub Corcoran, sur les grands boulevards parisiens, que plusieurs entrepreneurs irlandais avaient donné rendez-vous à la presse et à leurs homologues français pour partager avec eux leurs retours d'expérience sur une technologie novatrice de plus en plus utilisée dans les projets de construction du quotidien : le BIM (Building Information Modeling). En effet, plusieurs entreprises irlandaises ont recours depuis un certain temps à ces outils numériques et, quelques mois après que le ministre du Logement Julien Denormandie ait signé le plan BIM2022 lors des Assises du Logement, l'occasion leur était donnée de témoigner de leur expérience et de leur savoir-faire en la matière.

 

 

En Irlande, les sociétés de construction et d'ingénierie sont confrontées à des projets d'envergure et à la complexité croissante, devant être livrés dans des délais toujours plus courts. D'après une étude publiée par l'agence de développement Enterprise Ireland, 76% des entreprises nationales interrogées "confirment la pertinence de leur structure dans la maîtrise des compétences et des connaissances en matière de BIM". En Irlande, la technologie BIM est utilisée dans plus d'une centaine de projets, encadrée par le "BIM innovation capability programme", qui détermine l'orientation stratégique de la transformation numérique dans le secteur de la construction. Des obstacles perdurent cependant quant à son adoption : ses coûts, le manque de demande et les lacunes d'expertise.

 

Productivité et flexibilité face aux enjeux de coûts et de délais

 

Pour parler des problématiques et des opportunités du BIM, les organisateurs Building Smart France et Enterprise Ireland avaient donc convié plusieurs spécialistes irlandais du sujet. "Le BIM nous confère une meilleure approche de l'espace. On travaille beaucoup moins sur site, donc on diminue les risques liés à la santé-sécurité, tout en profitant de davantage de flexibilité", explique Shannon Brown, responsable BIM pour les centres de données (data centers) chez Mercury Engineering. "Grâce à cette technologie, on peut faire un suivi d'avancement des projets de construction. Chez Mercury Engineering, on l'utilise notamment pour les data centers mais aussi pour les établissements de santé. Nous travaillons avec nos clients pour définir leurs besoins et leurs buts, puis nous intégrons toutes ces informations dans nos logiciels BIM."

 

Ces derniers - Autodesk Autocad, Autodesk Revit, Autodesk Navisworks... - nécessitent malgré tout des opérateurs qualifiés pour emmener les projets jusqu'à leur concrétisation. Pour autant, l'utilisation de la maquette numérique est apparue évidente pour nombre d'entreprises irlandaises de la construction. "Avec ces outils, nous pouvons réduire les délais pour toutes les étapes du processus. Cette solution peut vraiment faire avancer les projets", reprend Shannon Brown. Ainsi, le BIM procurerait une aide non-négligeable pour faire face aux nombreux enjeux du secteur de la construction, comme les coûts et les délais.

 

Une technologie toujours en pleine mutation

 

Le fait de pouvoir centraliser les connaissances et les savoir-faire dans des logiciels, eux-mêmes ensuite mis à disposition du marché pour en faire profiter le plus grand nombre, représente une autre opportunité de la technologie de maquette numérique. Mais au vu de la multitude de projets livrés à travers le monde, les retours d'expérience sont nombreux et tous différents, car chaque marché est unique, disposant de ses particularités culturelles, économiques et normatives.

 

Reste à savoir comment évolueront les réglementations BIM : "Il existe actuellement différents niveaux de complexité pour les projets BIM en Irlande", ajoute Michael Murphy, responsable des opérations de construction digitale chez BAM Ireland. "On parle d'une technologie en mutation constante, qui est soumise à une classification rigoureuse. L'objectif des prochaines années, c'est de faire comprendre au plus grand nombre possible quels sont les atouts du BIM. On rencontre partout en Europe les mêmes problèmes dans la construction ; pourtant chaque pays essaye de trouver ses propres solutions, alors que nous pourrions tous nous réunir pour mutualiser nos recherches et nos outils. Il faut donc plus de coordination. D'autant que le retour sur investissement est assez significatif."

 

 

Des partenariats franco-irlandais "facilités" par le Brexit ?

 

Aujourd'hui, les entreprises irlandaises de construction et d'ingénierie concentrent leurs projets en Europe du Nord et au Moyen-Orient, mais ne négligent évidemment aucune zone géographique, et cherchent même des partenaires en France, qu'ils soient entrepreneurs, architectes ou ingénieurs. A l'approche du Brexit, l'Hexagone a-t-il d'ailleurs un rôle à jouer auprès des sociétés britanniques et irlandaises ? "Le Brexit peut faire un peu peur, laissant planer des menaces financières sur nos entreprises", admet David Browne, directeur de l'agence RKD Architects et président de l'Institut royal des architectes d'Irlande. "Notre but, c'est de travailler avec les clients et les partenaires pour livrer des projets de qualité dans des délais toujours plus courts, tout en prévenant toutes sortes de risques. Pour surmonter les obstacles et les défis propres à chaque pays, il nous faut certainement améliorer encore la collecte des données." Car les projets ne manquent pas : à l'image du Grand Paris, le "Grand Londres" regorge d'opportunités de construction pour les entreprises irlandaises, et les besoins d'infrastructures restent criants partout sur la planète. Le BIM a donc encore de quoi faire.

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