Le tribunal de grande instance de Paris a mis hors de cause ce jeudi 14 mars le Canard enchaîné qui était poursuivi en diffamation par le groupe Bouygues pour un article faisant état de soupçons de corruption sur l'attribution du chantier du futur « Pentagone français ». Le groupe réclamait 9 M€ de dommages et intérêts. Précisions et réactions.

Dans son jugement, la 17e chambre civile du tribunal de grande instance de Paris a jugé que cinq des passages poursuivis étaient bien « diffamatoires ». Mais elle a octroyé aux journalistes du Canard enchaîné « le bénéfice de la bonne foi », estimant qu'ils avaient réalisé « une enquête sérieuse ».

 

A ce titre, le tribunal a débouté le groupe Bouygues et l'a condamné à verser 6.000 € de frais de justice à l'hebdomadaire satirique. L'article incriminé, publié le 7 décembre dernier sous la signature d'Hervé Liffran et Christophe Nobili, révélait qu'une information judiciaire pour corruption et trafic d'influence était ouverte depuis février 2011 sur d'éventuelles malversations lors de l'attribution du contrat pour le futur siège du ministère de la Défense dans le quartier Balard, dans le 15ème arrondissement de Paris.

 

Réactions à chaud
« Le groupe Bouygues se félicite que le caractère diffamatoire de la plupart des allégations du Canard enchaîné aient été reconnues par le tribunal de grande instance de Paris, nous commente un porte-parole du groupe. Nous nous félicitons également que le tribunal ait constaté que le Canard enchaîné n'a pas apporté la moindre preuve qu'une information judiciaire à l'encontre de Bouygues était ouverte.»

 

De son côté, le maître d'ouvrage, le ministère de la Défense nous a confié - par la voix de la Délégation pour le regroupement des états-majors et des services centraux de la Défense (Dresd) - n'avoir aucun commentaire à faire.

 

« Huit sources différentes »
« L'ami Bouygues a raflé un marché de 3,5 Mds € pour construire et entretenir le nouveau ministère de la Défense. Mais de vilains soupçons de corruption et de favoritisme viennent gâcher la fête », écrivait notamment le journal.

 

Lors de l'audience du 18 janvier, les journalistes du Canard avaient défendu la rigueur de leur enquête. Avec un total de « huit sources différentes », Christophe Nobili avait ainsi estimé que l'hebdomadaire avait pris « toutes les précautions s'imposant ».

 

Une information judiciaire toujours en cours
Leur avocat, Me Antoine Comte, avait demandé au tribunal de condamner Bouygues à un euro symbolique pour « abus de procédure ». Par conséquent, ce mercredi, la 17e chambre a rejeté sa requête, considérant que « seul le montant des dommages et intérêts réclamé peut être considéré comme abusif », mais l'action elle-même ne pouvait être jugée abusive.

 

Par ailleurs, l'information judiciaire pour corruption et favoritisme ouverte sur les conditions d'attribution du contrat du futur ministère de la Défense est toujours en cours. Ce sont deux juges d'instruction qui ont été saisis du dossier pour enquêter notamment sur des soupçons de « fuites » du cahier des charges du projet avant l'appel d'offres. Une procédure existe mais Bouygues conteste toujours qu'elle le concerne.

 

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