La mérule, surnommée "Lèpre des maisons", est un champignon qui se développe dans des locaux humides et confinés. Géographiquement répandue dans l'ouest et le nord du pays, elle tend à coloniser toujours plus de régions, dont l'Île-de-France. Comment s'en prémunir, la détecter et s'en débarrasser ? Eléments de réponse avec Jeanne Keita, chargée d'affaires Structures et ouvrages bois chez Ginger CEBTP.

Batiactu : Qu'est-ce exactement que la mérule ?
Jeanne Keita : C'est un champignon qui se développe sur les structures bois, les maçonneries et les sols de milieux clos. Il a besoin de beaucoup d'humidité, avec des taux de l'ordre de 20 à 25 % et d'une température de 18 à 20 °C. En dehors de ces conditions, sa croissance est ralentie ou stoppée. Géographiquement on le retrouve surtout en Bretagne et en Normandie, mais il est également présent dans d'autres régions humides. Depuis quelques années, on le retrouve en Île-de-France. Souvent, cette infestation est liée à la sur-isolation qui tend à confiner les bâtisses et à retenir l'humidité à l'intérieur. La mérule se développe sur tous les bois, aussi bien les résineux que les feuillus.

 

Batiactu : Comment reconnaître ce champignon et diagnostiquer cette infestation ?
J. K. :
Le bois change d'aspect : il prend une couleur foncée et un aspect calciné, et on voit apparaître un syndrome de pourriture cubique très caractéristique et bien visible. Pour effectuer un diagnostic avant qu'il ne devienne trop envahissant, il faut procéder par sondages et prélèvements, afin de le mettre en évidence sous les revêtements (peinture, plâtre, maçonnerie, etc.). Une fois qu'il est localisé, le diagnostic est rapide.

 

Batiactu : Quels sont les effets de ce champignon sur les structures bois ?
J. K. :
Il déforme les pièces de bois et induit des fissurations et bombements. Comme l'humidité est le facteur déclenchant pour son développement, le champignon va aller la chercher en dehors de son substrat une fois qu'il l'aura totalement asséché. Il ira puiser de l'eau ailleurs, y compris dans les maçonneries qu'il traversera. La mérule ôte toute résistance mécanique au bois, qui devient friable, cassant et sec. Il modifie également les propriétés physico-chimiques du bois. C'est donc un danger pour toutes les structures.

 

Batiactu : Comment se prémunir de la mérule ?
J. K. :
La première chose à faire est de réguler l'humidité dans les locaux et les pièces en les ventilant correctement, afin de maintenir le taux sous la barre des 20 %. Ensuite, il est recommandé d'utiliser des bois dont les classes de risque sont comprises entre 2 et 4, pour qu'ils soient suffisamment secs. Il est également possible de les traiter préventivement grâce à des produits chimiques certifiés CTB-P+. L'efficacité des produits dépendra essentiellement de la phase préparatoire, à savoir un bon contrôle de l'humidité. Le traitement se fait par injections dans les parties encore traitables du bois, qui ne sont pas trop dégradées. On procède également à des injections autour de la zone infectée, sur un rayon d'un à deux mètres. Une attention particulière sera apportée au niveau des encastrements des pièces bois dans la maçonnerie : les injections y seront doublées. Une pulvérisation sera également réalisée sur l'ensemble de la zone. Sur les maçonneries, il est possible de faire un traitement par brûlage au chalumeau, ce qui est impossible sur du bois.

 

Batiactu : Quelles sont les implications d'une attaque de mérule ?
J. K. :
En France, la mérule est responsable d'environ 70 % des attaques fongiques. C'est un champignon qui fait beaucoup de dégâts mais malheureusement, le diagnostic n'est pas obligatoire lors de l'achat d'un bien. Les gens sont finalement peu au courant de ce risque. Pourtant le coût d'un traitement contre la mérule est extrêmement important : comme il comprend des étapes de démolition, la facture grimpe à plusieurs dizaines de milliers d'euros ! Et ce n'est pas pris en charge par les assurances. Chez Ginger CEBTP, nous sommes sollicités par des particuliers ou des entreprises afin d'effectuer un diagnostic et, si besoin, des préconisations. Nous les orientons alors vers des structures habilitées à traiter le problème, qu'elles soient certifiées CTB-A+ ou Qualibat.

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