PÉTITION. Un "pillage organisé". C'est ainsi que l'Union des syndicats français d'architectes (Unsfa), qualifie certaines attitudes adoptées par l'éditeur de logiciel Autodesk. L'organisation a lancé deux pétitions contre la société, ces derniers mois.

Ce n'est pas une, mais deux pétitions que l'Union nationale des syndicats français d'architectes (Unsfa) a lancé ces derniers mois. La première concernait une hausse des coûts des logiciels. La seconde se base sur des propos tenus dans une interview au Moniteur par Andrew Anagnost, PDG d'Autodesk : "Nous avons déjà lancé des solutions de 'generative design' ou 'conception générative' pour la construction. Il s'agit d'utiliser un algorithme qui va analyser des millions de design afin de ne présenter au final que les meilleurs par rapport à un contexte ou un cahier des charges précis. L'intelligence artificielle permet déjà de concevoir des quartiers entiers de cette façon."

 

Un pillage des architectes "à l'échelon mondial"

 

Des propos qui ont fait bondir les architectes. Ils ont donc réagi en récoltant des signatures, avec l'avertissement suivant : "Alerte de l'Unsfa sur le pillage organisé des prestations intellectuelles des architectes par un prestataire de logiciels, et ce, à l'échelon mondial."

 

 

Dans un premier temps, l'éditeur a assuré à l'Unsfa que ces propos avaient été mal interprétés, et qu'il ne s'agissait que d'un service offert à chaque architecte sur la base des projets qu'il avait déjà réalisés. "Cet argument ne tient pas la route car il ne correspond pas aux propos du PDG", réagit Marie-Françoise Manière, membre du bureau national de l'Unsfa, contactée par Batiactu. "Il est bien question de millions de projets et de quartiers entiers. Vous en connaissez beaucoup, des architectes qui, à eux seuls, ont réalisé des milliers de projets et plusieurs quartiers entiers ? Nous sommes très en colère. Ils nous ruinent tout d'abord en triplant le coût de leur logiciel [Ce qu'Autodesk a démenti auprès de Batiactu, NDLR], puis en pillant nos données !" Contacté par nos soins, Autodesk n'est pas revenu vers nous au sujet de cette deuxième pétition. Au-delà d'une simple pétition, l'Unsfa envisage tous les recours possibles, notamment juridiques.

 

Plus généralement, Marie-Françoise Manière s'inquiète de certaines possibilités offertes par l'intelligence artificielle. "Ce n'est pas en concevant des projets du passé que l'IA nous permettra d'imaginer les projets dont nous avons besoin aujourd'hui, tournés vers l'avenir." Par ailleurs, elle insiste sur l'unicité et les particularités de chaque projet. "Même dans des programmes de logements collectifs, qui peuvent donner l'impression de se ressembler, il nous faut à chaque fois tout remettre sur l'établi, nous adapter au type de programme, au site, à l'environnement... Et, plus généralement, s'il n'y a plus d'hommes pour les concevoir, à quoi vont ressembler nos futures villes ?"

 

 

Le point de vue du Conseil National de l'Ordre des Architectes
Jean-Philippe Donzé, Conseiller national, référent GT Formation et délégué région Grand Est : " Pour l'instant, nous ne nous associons pas à la pétition de l'Unsfa, car nous n'avons pas connaissance de l'ensemble des éléments. Mais nous restons vigilants sur ce sujet qui nous semble important. Nous avons d'ailleurs pris contact avec Autodesk pour échanger avec eux. Peut-être y a-t-il eu un problème de traduction dans l'interview incriminée du président de la société? Car à la lecture des articles sur le sujet publiés sur leur site, on ne sent pas la volonté de piller les projets des architectes. Mais c'est un risque qui existe, dès lors que l'on accepte, ou que l'on est obligé d'uploader son projet dans le cloud : se pose alors la question du propriétaire de ces projets, notamment si l'on ajoute la question de l'intelligence artificielle. Or, Autodesk a imposé la licence à la location, plutôt que la licence perpétuelle, et pousse les architectes à stocker leur projet sur le cloud. Non seulement la location est plus chère pour les architectes sur le long terme, mais cela pose le problème de la propriété intellectuelle. Nous restons donc très vigilants sur toutes ces questions".

 

Pétition contre Autodesk, l'éditeur répond
Alors que deux pétitions ont été lancées contre l'éditeur, Batiactu a interrogé ce dernier. Emmanuel Di Giacomo, responsable du développement de l'écosystème BIM pour Autodesk au niveau européen, s'étonne de faire l'objet d'une seconde pétition et assure notamment que "les données restent entièrement la possession du maître d'œuvre et ne peuvent servir qu'à ses propres réalisations et seulement s'il le souhaite". Découvrez l'intégralité de la réponse ici.

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