Face aux travailleurs détachés en situation illégale, la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) du département du Rhône n'hésite pas, depuis quelques mois, à faire appel à une agence de détectives privés lyonnaise chargée de vérifier ces informations, en traquant sur le terrain les fraudes présumées. Décryptage avec le président de la Capeb Rhône.

Ici, dans le Rhône, les moyens sont conséquents pour "nettoyer" le phénomène de travail détaché illégal dans le secteur du BTP. Dernier en date : le recours aux détectives privés dans le secteur de la construction. Une demande qui n'est pas nouvelle puisqu'une expérimentation identique est en cours depuis deux ans en Haute-Loire. Mais elle n'en reste pas moins étonnante. Sylvain Fornes, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment du Rhône (Capeb) nous confirme qu'il fait désormais appel à une agence de détectives privés basée à Lyon pour lutter contre les travailleurs détachés en situation illégale.

Des sous-marins postés à l'entrée des chantiers

Une agence de renseignement privée lyonnaise - dont la Capeb Rhône n'a pas souhaité nous communiquer l'identité pour préserver ses compétences en matières de renseignement économique - est alors chargée de vérifier ces informations, en traquant sur le terrain les fraudes présumées. L'objectif est clair pour le moment : transmettre uniquement à la Direction régionale du travail et de l'emploi (Direccte) les éléments constatés.

 

"Equipés de 'sous-marins' postés à l'entrée des chantiers, les détectives peuvent surveiller scrupuleusement les ouvriers pendant près de neuf mois, ajoute Sylvain Fornes. Et leurs signalements qui remontent le plus souvent visent des ouvriers qui passent le week-end ou la nuit à travailler, des salariés qui dorment sur les chantiers, bossent 17 heures par jour ! "

Vigilance sur les chantiers emblématiques

Il est trop encore tôt pour dresser un premier bilan. "Un point est sûr : nous estimons à 11.000 le nombre de travailleurs détachés légaux dans le département et à 7.500 ceux qui sont dans l'illégalité, nous indique le président de la Capeb Rhône. Et dans le même temps, dans le Rhône, on annonce la suppression de 3.000 emplois. C'est pourquoi, nous restons vigilants sur les chantiers emblématiques et nous demandons à ce que les groupes de BTP ne trichent pas dans leurs déclarations à l'image du chantier du Stade des Lumières à Lyon où il y a 80 % de travailleurs détachés ( Ndlr : 1.000 compagnons) sur 1.500 alors que Vinci annonce déclarer 20 % des travailleurs détachés !"

 

Au total dans le département, environ 17.000 entreprises du bâtiment et travaux publics emploient environ 70.000 salariés, complète-t-il également. En 2014, 3.600 salariés détachés ont ainsi été déclarés dans le BTP à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). Soit trois fois plus qu'il y a cinq ans. Le phénomène prend donc de l'ampleur dans sa région.

Charges trop lourdes

Autre constat : "Aujourd'hui, jusqu'à 1/3 du prix de vente HT dans le bâtiment de France représente la partie finançant les charges sociales, charges qui disparaissent si l'on emploie des travailleurs détachés et encore plus de façon illégale", ajoute le président de la confédération départementale. Avant de reconnaître : "Une incidence évidente au moment du choix des artisans et entreprises qui ne peuvent, dans ces conditions, rester compétitifs et risquent même parfois sembler malhonnêtes."

 

 

L'objectif est clair : montrer aux entreprises qu'elles ne sont pas à l'abri des contrôles. Après la signature d'une convention en 2012 avec la préfecture du Rhône et la Direction départementale du travail et de l'emploi qui s'étend désormais à la Direccte, l'Ursaff et au parquet de Lyon, la Capeb Rhône a déployé un arsenal d'actions comprenant une fiche de signalement permettant également aux entreprises de signaler celles qui ne respectent pas la législation. "Ce document est donc transmis à une agence de renseignement privé (financée entièrement par la Capeb) qui mène l'enquête", conclut la Capeb Rhône.

 

Pour compléter son arsenal, l'organisation professionnelle se dote aussi de la création d'un mail spécifique ; d'un pavé intitulé "Travailleurs détachés" sur le site capeb-rhone.fr ; des services d'une agence de sécurité économique, et enfin d'une campagne de communication.

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