Si jusqu'à présent peu de voix s'élevaient contre le projet de loi sur la transition énergétique voté au Sénat le 19 février, le collectif Les Acteurs en Transition énergétique monte au créneau. Dans son collimateur, des modifications liées aux secteurs du bâtiment, nucléaire, énergies renouvelables, etc. Explications avec Anne Bringault, membre du collectif.

Plus d'une semaine de débats sénatoriaux ont eu lieu mi-février pour examiner les 1.000 amendements proposés autour du texte de loi sur la transition énergétique, vaste projet porté par la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, et par ses prédécesseurs depuis 2012. Si le texte voté à l'Assemblée nationale en octobre 2014 semblait plutôt satisfaire l'ensemble des acteurs, les aménagements réalisés par le Sénat ces derniers jours n'ont pas eu le même effet.

 

Le collectif Les Acteurs en Transition énergétique, qui regroupe plus de 200 organisations - fédérations professionnelles, entreprises, ONG et associations, syndicats, collectivités et associations de collectivités - évoque un texte "déstructuré" auquel on a enlevé "plusieurs objectifs et mesures indispensables". "Le projet validé à l'Assemblée était un bon compromis, mais celui-ci, même s'il présente quelques avancées, génère trop de freins", nous confie Anne Bringault, membre du collectif.

Rénovation énergétique : "Trop d'échappatoires possibles"

Le collectif relève six points sur lesquels il faudrait revenir. Le premier concerne la consommation d'énergie finale, qui au départ fixait un objectif de division par deux de la consommation d'énergie finale d'ici à 2050, avec un palier intermédiaire d'une réduction de 20% en 2030. "Ce jalon a été supprimé", note Anne Bringault, "Pourtant, il est indispensable afin de mettre un cadre pour les années à venir". Les ajustements sur le bâtiment ont également suscité quelques inquiétudes. Si le collectif s'accorde à dire que le Sénat a apporté quelques améliorations, notamment l'obligation de rénovation en cas de mutation (changement de propriétaire) à partir de 2030, il s'inquiète du revirement sur la rénovation énergétique : " Les députés avaient introduit le principe de rénovation énergétique qui devaient tendre vers la performance énergétique des bâtiments neufs. Le Sénat a affaibli le principe en acceptant des dérogations (architecture, matériaux etc.). Il y a dorénavant trop d'échappatoires possibles sur les projet de rénovation", souligne Anne Bringault.

La distance éoliennes/habitations dans le viseur

Troisième point, les énergies renouvelables. Si le collectif souligne des améliorations, comme l'ajout d'un objectif de 40% de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables pour 2030, ou le délai maximum de 18 mois pour le raccordement des installations d'énergie renouvelable au réseau de distribution, il réfute l'allongement de la distance minimale entre une éolienne et une habitation porté à 1 km : cette mesure "est susceptible de stopper de nombreux projets en cours et interdirait, à elle seule, 85% de la superficie française à l'éolien sans tenir compte des autres contraintes", dénonce le collectif. Mais ce n'est pas tout, la question du nucléaire inquiète aussi. "En conservant l'objectif de 50%, mais en supprimant l'échéance de 2025, le Sénat a clairement voulu vider cet engagement de son sens et repousser à plus tard la nécessaire programmation des fermetures de réacteurs nucléaires (…)", note le collectif. De même, l'obligation de mettre en place un plan de mobilité pour les entreprises de moins de 100 salariés d'ici à 2018 a été supprimée : "C'est dommage, car il faut être incitatif", note Anne Bringault. Plus anecdotique, la prise en compte de tous les gaz à effet dans la stratégie bas carbone : " Cédant visiblement à la pression du lobby agricole, le Sénat a exclu de la stratégie bas carbone le "méthane entérique" naturellement produit par les ruminants, qui représente 30% des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole de la France, ce qui n'est pas anodin", précise le collectif.

 

Le texte validé par le Sénat doit être voté le 3 mars, laissant ensuite une Commission mixte paritaire tenter de trouver un accord entre les deux chambres le 10 mars. "Nous espérons qu'il n'y ait pas de compromis pour que l'Assemblée reprenne la main sur ce texte", conclut Anne Bringault.

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