Renaud Lambert, délégué général du Syndicat Français de l'Industrie Cimentière, souhaite lever les doutes sur l'engagement volontaire des industriels du secteur en matière de développement durable.

Vous avez réagi à la publication sur notre site d'un article qui présentait l'industrie du ciment comme étant "très polluante", malgré les efforts entrepris ?

En effet, si l'article ne contient aucune inexactitude, on sent chez l'auteur un doute sur la volonté profonde des industriels du ciment de s'engager dans une démarche de développement durable.
Outre l'aspect provocant du titre, un cartel de cimentiers moins pollueurs, le journaliste a décrit, sans plus de précision, l'industrie du ciment comme "très polluante". En outre, il laisse entendre, en citant le rapport Batelle, que si les industriels du ciment ont développé "une culture du développement durable", c'est seulement en raison d'une "rentabilité économique" et dans "la perspective de l'épée de Damoclès du pollueur payeur .

Alors justement, pouvez-vous nous dire en quoi cette démarche - réelle - est volontariste ?

De la préservation des ressources en énergie fossile, à la réduction des émissions atmosphériques, en passant par la volonté de mieux insérer les activités industrielles dans la vie locale... aujourd'hui, la démarche environnementale de l'industrie cimentière est globale. Ce n'est pas de l'opportunisme, mais du civisme bien compris : une industrie lourde comme l'industrie cimentière, installée sur un site pour plusieurs dizaines d'années, ne peut fonctionner durablement en polluant pas plus qu'elle ne peut fonctionner sans investir durablement.
Il est vrai que, même si nous ne sommes pas classé Seveso, notre industrie présente des inconvénients en ce qui concerne l'environnement. Les carrières, par exemple, qui alimentent les sites de production en matière première. Ces exploitations, qui sont strictement réglementées, peuvent avoir des répercussions sur le paysage : mais nous avons toujours su trouver des solutions comme les réaménagement en continu, la remise en culture ou la création d'étendues d'eau. D'ailleurs, les paysages les plus harmonieux sont souvent ceux qui ont été façonnés par l'homme.
En ce qui concerne les usines, leur impact dans le paysage a considérablement été limité. Autrefois, une usine de ciment était facilement repérable à la poussière blanche qu'elle dégageait. Aujourd'hui, nous avons atténué massivement les émissions de poussière. Elles ont été divisées par 30 en 20 ans, Visuellement, c'est énorme. Pour preuve, aujourd'hui, une des fiertés d'un directeur d'usine est d'avoir de beaux espaces verts autour de son site.

Reste qu'il est indéniable que l'industrie cimentière est un gros consommateur d'énergie.

Il est en effet nécessaire de chauffer calcaires et argiles à 1450° pour obtenir des ciments, mais là encore des solutions existent et elles ont été mises en oeuvre sans attendre la législation. Cette même chaleur nous permet d'utiliser des déchets comme combustibles en toute sécurité..
Ainsi, plus de 34% de combustibles proviennent aujourd'hui de déchets (huiles usagées, résidus de peintures, pneus usés, farines animales...). Si ne nous les avions pas utilisés, ces résidus auraient été incinérés ailleurs avec des rendements énergétiques quasiment nuls.
Celle technique de co-incinération des déchets contribue donc à la réduction des émissions de CO2 . Elle permet également d'économiser les combustibles fossiles et donc d'en limiter l'importation.

A l'échelle de la planète, tous les industriels du ciment n'ont pas les mêmes préoccupations en matière environnementale et sur certains marchés, la concurrence peut paraître déloyale entre un industriel "vert" et celui qui va s'efforcer de produire au plus bas prix.

Il est important de rappeler que même si les industriels européens sont parmi les plus gros au monde, le premier pays producteur reste de très loin la Chine, suivie de l'Inde et des Etats-Unis. La France, qui compte pourtant le premier producteur au monde de ciment, se classe seulement au 18ème rang derrière l'Arabie Saoudite et l'Iran.
Globalement, d'un point de vue environnemental, la situation est encore critiquable dans plusieurs pays émergents, comme elle l'a été autrefois aux Etats-Unis, où les investissements avaient été retardés.
Aujourd'hui, les industriels européens qui - on l'a vu - sont respectueux de l'environnement s'intéressent de près à ces marchés. Ce sont des groupes mondiaux et ils ne peuvent pas avoir une attitude différente dans chaque pays. Lorsque les Européens s'implantent dans ces pays, il le font avec leur culture de développement durable, même s'il doivent pour cela investir massivement.

On va revenir en France si vous le voulez bien avec non plus l'impact de votre industrie sur l'environnement mais si l'homme. Sur ce sujet aussi la filière se mobilise.

Effectivement, comme en matière d'environnement, notre démarche est volontaire et préventive. Le ciment n'est pas un produit dangereux en soi, mais ce produit à caractère alcalin (PH 13 environ) peut entraîner, chez certaines personnes, un effet irritant pour la peau. Avec l'ensemble de la filière, nous avons lancés une vaste opération de prévention - notamment autour du port des gants - qui contribue à réduire le nombre de ces affections.
Dans le même esprit et toujours avec l'ensemble de la filière, nous avons réduit à 35 kg la charge des sacs de ciment pour diminuer le nombre de lombalgies. Aujourd'hui, il n'existe plus sur le marché français de sac de 50 kg.

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