Le seuil. Un point sur lequel architectes et constructeurs de maisons individuelles ne sont pas près de s'entendre. Son passage à 150 m2 prévu dans la future loi sur la création architecturale n'est pas du goût de ces derniers, qui proposent un nouveau plan pour demain. Détails.

Il y environ un mois, la présidente du Conseil de l'ordre des architectes (Cnoa) appelait, dans une tribune, tous les acteurs de la construction à œuvrer « ensemble » pour préserver la qualité architecturale.

 

Prônant « l'excellence de l'habitat individuel », elle fustigeait tous ceux qui s'opposent ou critiquent le seuil de 150 m2, prévu dans la future loi pour la création architecturale, à partir duquel le recours à un maître d'œuvre deviendra obligatoire. « N'est-il pas dans l'intérêt de tous de bénéficier de territoires mieux aménagés et de maisons de meilleure qualité ? », interrogeait-elle. Avant de poursuivre : « Comment se fait-il que tant d'acteurs de l'acte de construire s'imaginent pouvoir impunément se passer d'architectes pour concevoir des maisons ou des lotissements ? ». Travailler de concert en faveur de la qualité, voilà son leitmotiv.

 

Je t'aime, moi non plus…

 

A l'occasion du séminaire de l'Union des maisons françaises, qui s'est déroulé en Croatie fin novembre dernier, le délégué général, Dominique Duperret, a refait un point sur les relations que tissent les deux professions. « Ce sont deux mondes encore trop séparés », a-t-il déclaré. Pourtant, le duo a fait ses preuves, souvent, au regard des nombreux projets présentés, ces dernières années, lors des Challenges. Durant la dernière édition à Dubrovnik, interrogés sur le vif, les architectes parlaient de relations plutôt tendues, trop souvent liées à un caractère « tarifé ». De leur côté, les constructeurs étaient aussi mitigés, certains reconnaissants « qu'avec des architectes intelligents, cela se passait bien ». Bref, de quoi mettre encore de l'huile sur le feu dans ce vieux débat qui date de la loi de 1972 « qui n'a fait qu'opposer les deux métiers », avec l'instauration d'une dérogation sur le seuil d'obligation.

 

De fait, la future loi Création architecturale et patrimoine (CAP), qui prévoit l'abaissement du fameux seuil de 170 à 150 m2, est « une approche erronée » et « qui aura peu de sens pour la qualité architecturale », dénonce Dominique Duperret. Preuve à l'appui, il brandit une étude de l'UMF qui montre que « le point d'équilibre serait à 160 m2 ». Dans ce contexte, l'organisation, qui réunit une grande majorité des constructeurs français, entend bien déposer un amendement pour conserver le seuil des 170 m2 ! Car « rien n'empêche les architectes de construire sous les 170 m2, le passage à 150 m2 n'est pas justifié ! », martèle le délégué général de l'UMF. De là à parler « d'uberisation » de la construction, il n'y a qu'un pas...

Monstruosité juridique

Mais ce qui fait sortir l'UMF de ses gonds, c'est « l'amendement délation », qui ordonne aux instructeurs de permis de construire de saisir le Cnoa lorsqu'ils soupçonnent que les plans signés ne le sont pas d'un architecte de l'Ordre, et que l'auteur des plans n'aurait pas participer au projet ! « Une monstruosité juridique », dénonce Dominique Duperret. Qui annonce que le Conseil constitutionnel sera interrogé.

 

Face au nouveau texte en préparation, les constructeurs de maisons individuelles veulent trouver un compromis. Ils veulent un texte qui ne casserait pas cette relation bilatérale, ils veulent aussi « en finir avec la clandestinité ». Et proposent que les architectes passent dans le giron du ministère du Logement… Seront-ils entendus ?

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