Le séisme qui a frappé l'Italie début avril a révélé le navrant décalage entre les ambitions réglementaires et la réalité du terrain. A l'heure où l'informatique permet aux différents métiers du bâtiment de faire converger leurs expertises, il est impératif de renforcer le dialogue autour de la conception parasismique. Rencontre avec Sandrine Garriot, responsable marketing architecture, ingénierie et construction d'Autodesk France, société spécialisée dans les logiciels de construction.

Batiactu : Le séisme en Italie a montré des carences en matière de conception parasismique, quel est le décalage entre les ambitions réglementaires et la réalité sur le terrain ?
Sandrine Garriot : Nous sommes au lendemain d'un tremblement de terre qui a littéralement ravagé toute une région d'un pays voisin et a causé la mort de nombreuses personnes. A L'Aquila, les deux tiers des bâtiments ont été détruits. Et des voix se sont élevées pour dénoncer le manque de contrôle de la qualité des constructions. Certains n'ont pas hésité à faire le lien avec la Californie, où un tel séisme n'aurait sans doute pas fait un seul mort. Le décalage entre les ambitions réglementaires et la réalité sur le terrain est ici flagrante. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 80.000 bâtiments publics restent à risque, malgré une série de normes votées à la suite de catastrophes. Quant à la reconstruction des zones touchées, elle n'est pas sans soulever certaines inquiétudes. En France, la donne est certe moins préoccupante, car le risque sismique y est moindre et des règles encadrent la construction des bâtiments neufs, mais les ambitions réglementaires nécessitent que l'on étende la réflexion parasismique dès l'étape de la conception et que l'on tire pleinement profit des avancées technologiques en la matière.

 

Batiactu : Pourquoi relancer aujourd'hui les problématiques liées aux risques sismiques ?
S. G. : Paolo Rocchi, un architecte et professeur d'université italien, commentait les récents événements en prenant pour exemple le cas de l'hôpital San Salvatore, inauguré en 2000. Celui-ci s'est en partie écroulé et a dû être évacué. Pourtant, il était censé représenter le nec plus ultra en termes de normes antisismiques. Une structure conçue selon ces normes peut effectivement subir des dommages, mais elle doit tenir, même dans le cas d'un séisme très destructeur. C'est pourquoi, il est important de relancer le débat sur l'importance de la conception parasismique, alors que les métiers de la construction disposent aujourd'hui d'outils, notamment informatiques, qui leur permettent de travailler de concert pour mieux partager l'information, notamment celle liée à la prévention du risque naturel. Les outils logiciels proposés par Autodesk permettent à ce titre d'intégrer cette information en fonction des normes règlementaires et du contexte local.
Intégrer cette information dès l'étape de la conception d'un bâtiment reste finalement le moyen le plus efficace de sauver des vies et de limiter les dégâts matériels et structurels. C'est une démarche qui s'inscrit dans le cadre de la prévention, au même titre que la connaissance du risque régional ou la préparation des populations et des services de secours.

 

Batiactu : En France, quelles sont les régions les plus exposées aux tremblements de terre ?
S. G. : La France connaît une sismicité moyenne ou modérée, selon les régions. Elle n'est donc pas aussi soumise au risque sismique que l'Italie. Ce risque se concentre essentiellement dans les Pyrénées, les Alpes, la Provence Côte d'Azur ou encore l'Alsace. Les Antilles connaissent quant à elles une sismicité importante. On estime à pas moins de 10.000 sur 36.000 le nombre de communes exposées aux tremblements de terre. Récemment, des séismes de magnitude supérieure à 5 ont causé des dégâts (en 1996, un séisme près d'Annecy a causé 61 millions d'euros de dommages). Les communes exposées sont directement concernées par les normes de construction parasismiques, qui demeurent le moyen le plus efficace de sauver des vies et de limiter les dégâts matériels. Si certains bâtiments neufs intègrent de telles normes, la situation est en revanche plus complexe pour le bâti ancien, qui doit, selon les régions et la vulnérabilité des structures, faire l'objet d'un renforcement parasismique.

 

Batiactu : En France, quelle est la règle qui encadre ce processus ?
S. G. : Tout d'abord, il convient de rappeler que la construction parasismique passe nécessairement cinq étapes clés, indissociables les unes des autres : le choix du site d'implantation, la conception architecturale, le respect des règles parasismiques, la qualité de l'exécution et la maintenance des constructions.
En France, les règles PS 92 encadrent le processus de construction pour les bâtiments neufs. Elles ont été rendues obligatoires pour les zones sismiques depuis 1998. Au niveau européen, un code de construction parasismique est en cours d'élaboration. La norme relative à la construction en zone sismique est l'Eurocode 8, devant mettre à disposition des professionnels du bâtiment des documents de référence reconnus par les 27 états membres de l'UE et applicables pour la conception et le calcul des bâtiments et des ouvrages de génie civil. Ces normes permettent de réelles avancées et généralisent la philosophie de la sécurité dans la construction.
Si certains bâtiments neufs intègrent de telles normes, la situation est en revanche plus complexe pour le bâti ancien, qui doit, selon les régions et la vulnérabilité des structures, faire l'objet d'un renforcement parasismique. C'est là un point délicat, qui ne pourra être résolu que dans la durée. Les pouvoirs publics concentrent en premier lieu leurs efforts sur les bâtiments prioritaires en cas de crise, pour lesquels les préfets des zones concernées doivent évaluer le diagnostic sismique de leurs infrastructures pour éventuellement en prévoir le renforcement parasismique.

 

Batiactu : Quel rôle peut jouer l'outil informatique dans la prévention du risque ?
S. G. : Le rôle de l'outil informatique reste sous estimé. Il est pourtant capital à chacune des étapes de la construction parasismique. Le risque sismique représente une menace contre laquelle il n'existe pas d'autre protection que la prise de dispositions permettant d'en minimiser les conséquences matérielles et humaines, à savoir l'adaptation des bâtiments et des infrastructures aux sollicitations dynamiques dont ils peuvent faire l'objet. Les ingénieurs structure, les architectes, les responsables réseaux… ont désormais à leur disposition des outils logiciels spécialisés, permettant de travailler de façon coordonnée, de modéliser les structures, d'en contrôler la souplesse et la résistance à tout type de catastrophe naturelle, tout en intégrant les exigences réglementaires.
En conclusion, il est possible aujourd'hui, grâce à l'innovation, d'anticiper la menace mais aussi d'améliorer la réponse donnée aux situations d'urgence, en favorisant le dialogue entre les différents corps de métier concernés, de l'architecture à la construction, en passant par l'ingénierie et le géospatial.

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