REACTIONS. Certains promoteurs de la transition énergétique dans le bâtiment, comme Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, ne sont pas spécialement inquiétés par la suspension partielle du décret "tertiaire". Détails.

"Une tempête dans un verre d'eau." C'est ainsi que Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, qualifie l'affaire de la suspension partielle du décret tertiaire. Celle-ci a été ordonnée par le Conseil d'Etat, le 28 juin 2017, à la suite d'un recours porté par des fédérations professionnelles du commerce et de l'hôtellerie. Elle porte sur le volet du texte qui obligeait les acteurs concernés à remettre aux autorités un plan d'action d'efficacité énergétique avant le 1er juillet 2017. Le décret étant paru le 9 mai 2017, le délai était, il est vrai, assez resserré.

 

"Cette date du 1er juillet qui apparaît dans le décret était évidemment sans la moindre portée juridique", affirme Philippe Pelletier, qui n'était pas favorable, personnellement, à l'instauration d'une obligation, à Batiactu. "Ce n'était pas un délai de rigueur, mais un délai indicatif. Ceci ne faisait d'ailleurs de doute pour personne, y compris pour l'administration. Je rappelle d'ailleurs que le texte ne prévoyait pas de sanction s'il n'était pas respecté." La non-publication d'un arrêté, à la suite de ce décret, constitue pour le président du Plan bâtiment durable un autre argument pour justifier son aspect non-coercitif au 1er juillet. "Le début de la course, cela sera après la parution de l'arrêté. En l'état, ce décret du 9 mai a une importance très relative."

 

"Ce recours est un coup de canif malvenu dans un processus de concertation"

 

Pour Philippe Pelletier, le souci vient surtout du fait que le décret est resté bloqué un an et demi au Conseil d'Etat, ce qui explique que la date du 1er juillet soit venue si rapidement après la publication du texte.

 

"Toutefois, je constate avec un peu d'amertume que les milieux de l'hôtellerie et des centres commerciaux n'ont pas joué collectif", ajoute-t-il. "Car ce texte a été co-écrit avec l'adminitration et les professionnels. En vingt ans d'expérience dans le milieu politique, je n'ai jamais vu une telle qualité de concertation. Me voilà donc surpris de constater que des milieux qui ont été associés à la rédaction du texte le contestent aujourd'hui. D'autant plus qu'ils ont signé la charte pour l'efficacité énergétique des bâtiments tertiaires, lancée en 2013. Aujourd'hui, leur démarche revient à donner un coup de canif malvenu dans un processus de concertation."


Baisser ses consommations de 25% sans débourser d'argent ?

 

Les adversaires de ce décret - notamment les collectivités locales - insistent également sur le coût qu'il peut représenter - l'AMF parle de 4,4 milliards d'euros. Un argument qui ne convainct pas Philippe Pelletier. "Le texte prévoit une baisse des consommations de 25% d'ici 2020", explique-t-il. "Or, ce seuil est accessible par des mesures simples et non coûteuses, comme un ajustement du comportement des occupants et du fonctionnement des thermostats, l'utilisation de détecteurs de présence et une maintenance plus rigoureuse des installations." Le président cite en exemple le concours Cube 2020, "qui montre que l'on peut économiser 25% sans débourser d'argent".

 

Le Cler, réseau pour la transition énergétique, de son côté, affirme auprès de Batiactu ne pas avoir été surpris par la décision du Conseil d'Etat. "Ce qui devait arriver arriva !", résume Joël Vormus, son directeur adjoint. "Nous savions tous, l'administration aussi, que cette date du 1er juillet était un critère friable." Pour lui, le recours des fédérations a toutefois le mérite de soulever quelques problèmes liés à ce texte sur le tertiaire. "Les fédérations qui ont porté le recours se plaignent du fait que les obligations de rénovation pèsent uniquement sur les bâtiments dont la surface est supérieure ou égale à 2000m². Au Cler, nous souhaiterions en effet que l'ensemble des bâtiments soient concernés."


Un recours qui a le mérte de "soulever des questions"

 

Mais il y a aussi le souci du financement. "C'est le point aveugle de la loi de transition énergétique, et c'est un gros dossier qu'il faudra ouvrir. Car Philippe Pelletier n'a pas tort : on peut faire des économies d'énergie importantes sans dépenser beaucoup, mais dans un premier temps seulement. Car si l'on se place dans une optique de long terme, avec des objectfis de réduction des consommations plus ambitieux, il y a bien des dépenses importantes à faire, notamment pour intervenir sur l'enveloppe des bâtiments."

 

Enfin, ce qu'espère le Cler, c'est que le décret ne fasse pas, une nouvelle fois, l'objet d'une longue phase de concertation, sachant que la première avait duré... sept ans, entre 2010 à 2017.

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